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Une guerre aborigène de plus

« Guerrier de la tribu d'Adelaide »
(G. Angas, 1847)

Je ne sais pas qui se cache derrière le compte twitter anonyme @Mungo Manic. Pour avoir échangé brièvement avec lui, il ne s’agit pas d‘un universitaire, ce qui ne l’empêche nullement d'être un fin connaisseur des sociétés aborigènes et d‘alimenter très régulièrement le réseau avec un flot d‘informations fort intéressantes.

Il y a quelques temps, il a eu la gentillesse de m’écrire afin de me signaler quelques épisodes guerriers qui m’avaient échappés, dont celui que je reproduis ci-dessous, tout à fait significatif. Le témoin est Georges Angas, qui est un peu l’équivalent australien de Georges Catlin pour l’Amérique du Nord : peintre et naturaliste, il observa de près diverses sociétés aborigènes et en plus de ses descriptions textuelles, on lui doit quelques très belles aquarelles qui font partie des rares documents visuels sur ces sociétés très tôt disparues – il suffit d’entrer « George Angas Australia » dans la recherche d’images Google pour obtenir une belle moisson de résultats.

Toujours est-il qu’Angas, dans son livre de 1847, rapporte un épisode qui avait échappé à ma vigilance, survenu entre les Parnkalla et les Nauo, près de l’actuelle Port-Lincoln (Australie Méridionale). Même si l’on peut regretter qu’il ne donne pas davantage de détails sur le conflit qu‘il évoque, les raisons immédiates de son déclenchement corroborent en tout point les autres informations disponibles pour l’Australie (je renvoie à mon livre sur le sujet pour plus de détails) :

Lorsqu’un individu décède sans cause apparente, ils s’imaginent qu'un grand oiseau (maralya) – qui est, en réalité, un homme d’une tribu hostile qui prend cette forme – s’abat sur le malade, lui comprime les côtes et le fait lentement expirer. Il y a peu de temps, une femme de Parnkalla a été mordue par un serpent, mais sa blessure n’ayant pas saigné, elle n‘avait pas été considérée comme mortelle ; néanmoins, la femme est décédée au bout de quelques heures. Son mari soutint que sa mort n’était pas due à la morsure du serpent, mais à l‘influence d’un de ses ennemis qui avait pris la forme de l‘oiseau maralya ; et, désireux de se venger, il partit à la recherche de son ennemi et le transperça. Il s’ensuivit une guerre sans merci entre les deux tribus (p. 209-210)

2 commentaires:

  1. C'est intéressant qu'ils aient tout de même conscience d'un tas de phénomènes naturels menant à la mort. Ce n'est pas le fait que le serpent morde qui crée l'accusation, mais le fait qu'il morde sans saignement apparent.
    J'avoue que je reste sur ma faim quant à l'oiseau maralya, je ne comprends pas bien s'il est considéré comme invisible, conceptuel, ou s'il s'agit très littéralement d'une croyance en le fait qu'un oiseau a physiquement attaqué la femme. Ca implique aussi que les femmes sont susceptibles d'être prises pour cibles de meurtre dans une vendetta, si les gens considèrent qu'on peut leur en vouloir. Le fait que la cause principale des guerres soit les questions de droits sur les femmes me faisait un peu oublier cet aspect là, mais il est vrai que, réflexion faite, les femmes peuvent aussi revendiquer les droits sur d'autres femmes - ou les droits d'hommes de leur entourage sur d'autres femmes - et donc être impliquées en tant que cibles de vendetta.

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    1. En Australie, les femmes sont les causes de nombreux conflits, mais pas souvent des guerres. On se marie globalement avec les gens avec qui on entretient des relations correctes, sinon cordiales, et avec qui les problèmes peuvent être réglés par des procédures relativement contrôlées. Les guerres, ça se fait avec les gens qu'on déteste et avant tout pour des motifs de vengeance. Quant aux vendettas, pas besoin que les femmes aient leur mot à dire dans les affaires matrimoniales pour en être victimes : être parentes de ceux qu'on vise est un motif suffisant (si dans les sociétés humaines, la violence collective ne frappait que les responsables directs, ça se saurait).

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