Un nouveau livre, et deux textes disponibles au téléchargement
C'est aujourd'hui que paraît mon dernier livre, intitulé L'énigme du profit, aux éditions La ville brûle. Il s'agit d'une version remaniée et augmentée (d'environ 20 à 25 %) du premier essai de mon Profit déchiffré, paru en 2016 chez le même éditeur. L'objectif du texte n'a évidemment pas changé : donner une présentation à la fois argumentée et accessible de la théorie économique de Marx, en la replaçant en particulier dans l'histoire des idées au sein de cette discipline.
Au passage, avec l'accord de l'éditeur, les deux autres essais qui figuraient dans le volume précédent, et qui sont nettement plus techniques, sont dorénavant librement disponibles en ligne :
Bonne lecture !
L'énigme du profit :Prix : 15.00 €
Nombre de pages : 152
Format : 14 x 22,5 cm
Parution : 01/03/2024
Isbn : 9782360121731
Merci beaucoup pour les extraits en libre accès. Cela annonce un ouvrage clair, drôle et passionnant.
RépondreSupprimerLa première fois que j'ai mis le nez dans la théorie du profit, je me suis perdu dans les méandres de la transformation des valeurs en prix de production, au sens faiblement propre comme au sens figuré. Que c'est compliqué.
Plus récemment, j'ai pu lire l'ouvrage de Cockshott (Une histoire du travail) qui prend position pour supprimer le problème. On n'aurait pas besoin de poser le problème de la transformation, on pourrait faire simplement avec les données statistiques fournies sur la production et le travail. Il faut que je relise attentivement son raisonnement, ça m'a assez interloqué. Hâte de voir ce que vous avez à en dire, en tant qu'anthropologue. Pour la pastiche, c'est une question trop sérieuse pour la laisser aux économistes.
Cordialement,
W. E
J'ai lu la quasi-intégralité de votre annexe sur le travail productif/improductif. C'est un modèle de rigueur et de clarté. La (courte) discussion des thèses de Harribey à la fin est la cerise sur le gâteau.
SupprimerComme vous le notez, la distinction du travail productif/improductif pose le problème de l'exploitation spécifique au capitalisme. Et c'est ici qu'à nouveau je me retrouve dans le dédale de l'économie politique.
(1) La théorie de la valeur-travail est-elle nécessaire à une théorie de l'exploitation capitaliste ? Comme vous savez, on en a noirci des pages sur cette question. D'où mon intérêt pour le problème de la transformation. J'ai le sentiment (peut-être erroné) qu'une explication convaincante n'en peut faire l'économie. Le hic, c'est qu'il s'agit à mon sens d'un sujet vraiment difficile dans son traitement mathématique (peut-être superflu, je ne sais pas encore).
Une autre source d'interrogation sont les tentatives de certains économistes de se passer de la théorie de la valeur-travail. En France, des gens aussi différents que les institutionnalistes Orléan, Boyer, Aglietta ; et d'autres économistes comme Cartelier et Benetti. À quoi bon une théorie de la valeur si on on n'en a pas besoin pour le fétichisme et les prix de production ?
2) Concernant la question du profit. Je me demandais si vous étiez au courant de l'hypothèse de l'économiste A. Shaikh, selon laquelle il y aurait deux sources distinctes au profit (il s'exprime là-dessus dans cet extrait d'entretien, autour de la quatorzième minute je crois : https://www.youtube.com/watch?v=bVMV8iV1KLY). Son idée est de dire que le capital, comme rapport social, a préexisté au capitalisme. Et que donc (si j'ai bien compris), il y aurait un profit propre au capitalisme marchant (nommé "profit on alienation") et un autre propre au capitalisme industriel ("profit on production"). A. Bihr n'aimerait pas qu'on utilise les expressions "capitalisme marchand / industriel" parce qu'elles ne sont très peu rigoureuses, mais je crois que vous comprenez ce que je veux dire.
Bien à vous,
Sur la transformation, je ne me prononce pas, faute d'avoir suffisamment creusé le sujet. Depuis quelques années, il y a deux solutions en présence (celle de Duménil-Foley et celle de la TSSI). Il y a en sûrement une qui est plus juste que l'autre, mais j'ai d'autres priorités que d'investir sur cette question certes importante, mais pas non plus absolument décisive. ;-)
SupprimerSur la discussion avec Harribey, il y avait eu suite à ce texte une série d'échanges entre lui et moi... et je m'aperçois à l'instant que je ne les ai pas mis à disposition dans la rubrique « Textes courts » de ce blog. Je répare cet oubli dare dare.
La valeur-travail, c'est quand même esssentiel, parce que c'est aussi ce qui relie l'exploitation capitaliste aux autres formes d'exploitation, et qui unifie en quelque sorte la vision des sociétés de classes. On peut certes s'en passer pour décrire le profit (il suffit de dire que les recettes sont supérieures aux dépenses), mais justement, la question c'est d'aller au-delà de la simple description, et de donner une vision cohérente à ce fait en apparence « naturel ». Si on enlève la théorie de la valeur, je ne vois pas bien ce qui vient la remplacer de ce point de vue.
Enfin, oui, bien sûr, le capitalisme marchand du XVIe ne réalise pas ses profits de la même manière que le capitalisme industriel. Et il est tout à fait censé de distinguer le profit commercial (qui tire son origine de la mise en relation d'ensembles économiquement disjoints) du profit tiré de l'exploitation du travail salarié. J'ai l'impression que pas mal d'auteurs ont abordé cette question, en étant d'ailleurs d'accord sur l'essentiel.
Très cordialement
Bonjour,
SupprimerJ'ai lu votre ouvrage "L'énigme du profit". Je tenais à vous remercier, car il est d'une grande pertinence et d'une rare clarté. Je compte bien m'en inspirer – en mentionnant bien entendu votre travail – pour mon cours sur Marx l'année prochaine.
Je reviens vers vous au sujet de la question de la théorie de la valeur-travail. Depuis la lecture de votre livre, je mesure mieux son importance quant à une vision unifiée des sociétés de classe.
En fait, j'ai retrouvé un article que je mentionnais implicitement correspondant à certaines difficultés logiques de cette théorie : https://www.cairn.info/revue-cahiers-d-economie-politique-1-2018-2-page-71.htm#re5no5 ("Une conception économique de l’exploitation : Smith, Marx et Torrens", C. Benetti, A. Rebeyrol).
L'argument qui m'intéresse est formulé tout particulièrement dans la deuxième section du papier ("Marx et la théorie de la valeur-travail"). Si j'ai bien compris, il y aurait une incohérence dans la construction du concept d'exploitation. Cette incohérence résiderait entre le passage de la section I du capital (la simple économie marchande ou de petits producteurs) aux réflexions suivantes portant cette fois sur une économie capitaliste. L'argument des auteurs est de dire qu'en fait, il n'y a pas de transition possible entre deux états d'une même économie – "d'abord" marchande "puis" capitaliste (je mets les guillemets car c'est un temps logique). À cause de la diversité des systèmes de prix, on a affaire à deux économies (et non une) structurellement différentes. Par conséquent, la théorie de l'exploitation n'implique pas la théorie de la valeur-travail.
Comme c'est un contre-argument que vous ne mentionnez pas dans le chapitre chapitre 5 de réponse à quelques objections, je me demandais ce que vous en pensiez.
Bien cordialement,
W.E
Bonjour, ce commentaire n'est pas directement lié à la sortie de votre nouveau livre, même si je compte bien me le procurer pour le lire !
RépondreSupprimerJe cherche à acheter la 3è édition de "Le communisme primitif n’est plus ce qu’il était", mais je ne trouve aucun site où l'acheter. Savez-vous où est-il possible de le trouver ? Une librairie m'a dit que l'éditeur ne souhaitait pas le réimprimer...
Merci d'avance.
Il est effectivement épuisé, mais il on vient de lancer le réapprovisionnement. Vous devriez le trouver d'ici quelques semaines. J'espère que vous tiendrez jusque là ! ;-)
SupprimerBonjour,j’ai une question qui me prend la tête.
RépondreSupprimerEn 2023 les profits du CAC 40 ont été de 120 milliards d’Euros.
D’autre part entre les aides au patronat et les exonérations de charges on arrive à presque 100 milliards d’Euros.
Est ce que cela signifie que sans l’action de l’état en sa faveur le capitalisme serait très peu rentable.Et qu’en fait une part colossale du profit est issu d’une redistribution artificielle .
C’est assez confus ,je sais bien j,espère que vous comprendrez le sens de ma question ,qui me laisse perplexe.
Merci.
Bonjour
SupprimerJ'ai le problème, pas la solution. ;-)
Vous avez tout à fait raison de pointer du doigt le rôle central de l'Etat. Soit dit en passant, cette tendance lourde de l'Etat à peser d'un poids de plus en plus important dans les économies dites de marché depuis le XIXe (et indépendamment de tous les discours sur le "néo-libéralisme" et sur son désengagement) constitue une des manifestations des tendances lourdes à la socialisation que Marx avait identifées. L'hommage du vice à la vertu, en quelque sorte.
Que d'une manière générale, le capitalisme ne saurait subsister une seule minute sans cette intervention multiple de l'Etat, cela me paraît une évidence.
Après, il est extrêmement compliqué de pouvoir démêler les fils des flux financiers. Quand l'Etat instaure des dégrèvements de cotisations sociales, doit-on considérer qu'il subventionne les employeurs, ou les salaires ? Inversement, quand il verse des APL, subventionne--t-il les locataires, ou les propriétaires qui en profitent pour pratiquer des loyers plus élevés ? Et sur quel revenu primaire tout cet argent est-il prélevé ? J'ai bien peur que dans cette affaire, autant il est très facile de dire que l'Etat intervient énormément, autant estimer même vaguement ce que seraient les flux économiques sans cette intervention est mission impossible.
Pour ajouter un post-scriptum à l'excellente argumentation de Christophe (qui a raison de pointer que la question de savoir si on parle d'une aide ou d'une ponction, et à qui, est à peu près indémêlable) :
Supprimer1) ce n'est pas « le capitalisme », c'est le capitalisme français, ou disons plus ou moins français (le CAC40 étant assez cosmopolite de nos jours).
2) ensuite, les 100 MM€ d'aides et d'exonérations ne concernent pas que le CAC 40, donc l'assiette de la comparaison est invalide.
(si j'en crois un article publié par un « institut » ultralibéral, le produit de l'activité des entreprises du CAC 40 est d'environ 400 MM€, soit moins de 20% du PIB français)
C'est bien toute la différence du néo-libéralisme du début du XXème siècle avec le vieux libéralisme issu de la fin du XVIIème: l'intervention de l'état. Tout cela est fort bien expliqué par Barbara Stiegler ou Pierre Dardot. Donc dans un système néo-libéral le rôle de l'état est essentiel et il est même amené à faire la promotion du système libéral (ce qui constitue une grande différence avec le "laisser-faire, laisser-aller"). Pour faire une boutade, le néo-libéralisme, c'est le libéralisme+Hobbes... Si je comprends parfaitement le fait qu'on puisse se demander si les APL sont une aide aux locataires pauvres ou une subvention aux propriétaires (je penche pour la deuxième interprétation), je ne comprends pas en quoi la baisse des cotisations sociales est un soutien au salaire... Les cotisations sociales et patronales SONT du salaire, les baisser c'est baisser le salaire. D'une part, en les baissant on n'augmente pas mécaniquement le salaire net, loin de là. D'autre part en définancant les politiques publiques par la baisse de ces cotisations, l'état renvoie les travailleurs et travailleuses vers les systèmes assurantiels privés de tout ordre. Donc la baisse des cotisations sociales est très clairement une double subvention au entreprises privées: 1) diminuer le coût de la main d'oeuvre 2) développer le recours à l'assurantiel privé. Quant à la source des aides aux entreprises, il suffit de voir que en 40 ans la contribution du revenu des entreprises aux PIB est passée de 2/3 de la contribution des revenus du travail à 1.5 fois celle-ci pour comprendre que les aides aux entreprises sont prises dans la poche des travailleurs et travailleuses. Le secteur privé, et plus particulièrement celui des employeurs de plus de 50 personnes, est l plus gros assisté de notre société. Très loin devant, immensément loin devant, les bénéficiaires des minimas sociaux.
RépondreSupprimerDans ma réponse, j'ai assumé (trop vite ?) que lorsque l'Etat décidait d'un allègement de cotisations sociales pour l'employeur, il compensait le manque à gagner par ses propres deniers (récupérés via l'impôt). Voilà pourquoi je disais qu'il s'agissait, en un certain sens, d'une subvention aux salariés autanrt qu'aux employeurs, selon l'angle sous lequel on la considère. Evidemment, si l'allègement n'est pas compensé, ce n'est plus la même musique (et ce n'est même plus une subvention du tout !)
SupprimerÀ ce que j'en sais, non, il n'y a pas compensation par l'État. Bien sûr, l'idée sous-jacente, au moins officiellement, c'est que ces allègements vont améliorer la compétitivité des entreprises concernées, donc l'activité économique, donc augmenter certaines rentrées fiscales tout en diminuant le chômage. Je ne sais pas ce qu'il en est en réalité.
SupprimerCeci dit, à long terme, il est probable que ces allègements, s'ils perdurent, finissent par être compensés par autre chose, par exemple une augmentation de la CSG (qui est une sorte de cotisation sociale, mais élargie à d'autres revenus que les revenus du travail).
Bonjour,
RépondreSupprimerEffectivement c’est du capitalisme Français dont je parle en sachant que le « français « est assez réduit.
De meme je sais bien que les aides inondent toutes les entreprises et pas seulement celle du CAC40.
Mais je voulais pointer que sans ces aides,ces exonérations, le profit réel issu de la production était bien plus bas que celui effectivement touché par les capitalistes avec ces ajouts d’aide de la part de l’état.
Cela signifie t il que l’investissement des capitalistes est plus risqué qu’on ne le croit?
Je ne pense pas que le taux de profit serait « bien plus bas » sans ces aides. Plus probablement, les produits seraient vendus plus chers, donc en moins grand nombre, donc le chiffre d'affaires des entreprises concernées serait plus bas... ce qui les encouragerait à fermer ou délocaliser des capacités de production. Mais globalement, cette perte de chiffre d'affaires serait compensée par un gain équivalent de chiffre d'affaires pour d'autres entreprises, par exemple étrangères. Et le taux de profit serait largement inchangé.
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