La nature humaine est-elle réactionnaire ?
Derrière ce titre un peu provocateur, la question que soulève ce court billet n’est pas de savoir si l’humain serait naturellement « bon » ou « mauvais », mais celle de savoir si l’idée (et la réalité) d’une « nature humaine » devrait être bannie de toute démarche scientifique, militante, ou les deux.
Plus d’une fois, alors que je soulignais la probable grande ancienneté de la domination masculine ou de la violence collective, on m’a rétorqué que si c’était vrai, cela voudrait dire que ces maux sont inscrits dans la nature humaine ; et que comme tout progressiste (et a fortiori, tout marxiste) sait que la nature humaine n’existe pas, cela récusait ipso facto mes arguments.
Il me semble qu’il y a dans cette réaction banale au moins deux erreurs majeures de raisonnement.
La première est qu’en sciences, il faut être très prudent avant de réfuter une idée en raison de ses conséquences, réelles ou supposées. Certes, dans tous les domaines, on peut légitimement raisonner par l’absurde : si une hypothèse mène nécessairement à une conclusion manifestement fausse, alors cette hypothèse doit être rejetée. Mais ce type de raisonnement ne peut être manipulé sans précautions. En particulier, il faut être bien certain que la conclusion peut être écartée en raison de son caractère erronné, et non du seul fait qu’elle paraît moralement ou politiquement inacceptable. Imaginons, par exemple, qu’un raisonnement mène à la conclusion que le capitalisme est le meilleur (ou le moins mauvais) des systèmes sociaux : un marxiste n’aurait évidemment pas le droit de le rejeter sur cette seule base. Il devrait démontrer en quoi ce raisonnement est faux... ou abandonner ses idées et le faire sien. C’est même précisément ce critère qui est censé distinguer celui qui se réclame d’un « socialisme scientifique » d’un dogmatique. Il en va de même en ce qui concerne la nature humaine, et ce quel que soit le problème que celle-ci est censée poser pour la perspective marxiste. On rappellera à cette occasion les mots de Bebel, précisément écrits à propos des origines de la condition féminine dans La femme et le socialisme :
La véritable science n’a en rien à se préoccuper de savoir si ses conséquences mènent à telle ou telle institution politique, à telle ou telle situation sociale. Elle a à examiner si les théories sont justes, et, si elles le sont, on doit les accepter avec toutes leurs conséquences.
Reste à savoir si la « nature humaine » pose par elle-même un problème à la perspective socialiste. C’est le deuxième point sur lequel on fait tout aussi souvent erreur. L’idée est en effet que si, réellement, la domination masculine ou la violence collective étaient « naturelles », alors cela condamnerait toute possibilité de les éradiquer à l’avenir. Le fait est, d’ailleurs, que les réactionnaires qui veulent légitimer la violence des hommes ou la soumission des femmes n’hésitent pas à recourir à ce même argument.
Mais il ne suffit pas de prendre le contrepied d’une ânerie pour dire quelque chose de juste. En l’occurrence, l’erreur consiste à postuler que toute disposition « naturelle » (mieux vaudrait dire : « héritée de notre évolution biologico-sociale ») serait par définition indépassable. L’humanité est une espèce hyper-culturelle, qui produit sans cesse de nouvelles techniques, de nouveaux rapports sociaux et les représentations qui les accompagnent. Penser qu’elle est enfermée dans son héritage biologique au même titre que les lombrics ou les fourmis, et que si « l’homme a dominé la femme il y a 300 000 ans, alors il la dominera toujours parce qu’il est fait pour cela » est donc une absurdité. Mais inversement, nier que cet héritage puisse exister est tout aussi problématique pour des matérialistes qui savent qu’homo sapiens n’est pas surgi du néant (ou de la main divine), hors de toute corporalité et de toute trajectoire évolutive. Penser que cet héritage n’a pesé en rien sur les sociétés humaines (voir à ce sujet l’excellente mise au point de Bernard Lahire) ou pire, qu’il n’existe pas, est tout aussi absurde que penser qu’il les enferme par définition et pour toujours dans des limites infranchissables.
Ainsi, la « nature humaine » consiste à être une espèce vivante possédant à la fois une corporalité et des comportements sélectionnés au cours de l’évolution et une hyper-aptitude à la culture, permettant de réunir peu à peu les conditions nécessaires et suffisantes pour contrecarrer – pour « dépasser » – les contraintes liées à cet héritage.
Vous reprendrez bien un petit peu de dialectique ?
Bonjour, merci pour cette note ! En relation avec ce que vous écrivez, je me demandais si vous aviez déjà réfléchi aux conditions de transmission de la (relative) égalité homme-femme au delà du capitalisme ? Comme vous l'expliquez avec votre camarade Lahire, durant le communisme primitif, le développement des forces productives est si faible que la biologie humaine tend à produire mécaniquement des infériorisations dans la société, celle des femmes en particulier. Selon votre hypothèse, c'est le capitalisme, avec la valeur, qui permet de créer l'idée d'une égalité entre le sexes et l'amélioration de la condition des femmes que nous connaissons aujourd'hui. Mais alors cette situation ne serait-elle pas mise en danger par l'abolition de la valeur dans un communisme moderne ? Ou bien cette idée se transmettrait dans un processus d'évolution culturelle cumulative, une sorte d'effet cliquet ? On peut évidemment lier cette problématique aux travaux de Véra Nikolski, qui nous alerte sur la possibilité d'un retour en arrière de la condition des femmes du fait de l'instabilité économique/naturelle du futur. Et si je mets ça en lien (encore un) avec les brouillons de la lettre de Marx à Véra Zassoulitch (1881) où il affirme que les sociétés modernes retourneront à une "forme supérieure d'un type 'archaïque' de la production et de la propriété collective", que le communisme sera en fait la poursuite des formes d'organisation communales en Russie ayant intégrées des éléments du développement capitaliste (Kohei Saito y voit le tournant "décroissant" de Marx, détaché de son prométhéisme de jeunesse), il semble que le communisme de demain fera avec beaucoup moins que le capitalisme consumériste d'aujourd'hui. Or, faire avec moins, pour rentrer dans les limites planétaires, c'est aussi peut-être affaiblir la situation des femmes (Nikolski). Ma question est un peu bordélique mais je pense que vous avez compris la problématique générale ! Auriez-vous des éléments de réponse/réflexion à tout ça ? :)
RépondreSupprimerEt si la domination n'était pas de nature humaine, mais de nature du vivant, un vivant dont la multitude des relations possible produit la domination en tant que stratégie possible et que l'humain reproduit culturellement.
RépondreSupprimerLa pérennité de la domination ne reposerait donc pas sur la nature humaine, mais sur l'efficacité de survie du mode de relation parasitisme implicite de la domination.
On pourrait peut-être le formuler aussi comme ça : les gens qui disent "la domination masculine et la violence, ça a toujours existé, donc c'est dans la nature humaine, donc ça existera toujours" postulent donc que l'évolution humaine est terminée. L'espèce humaine sera toujours comme elle est aujourd'hui, elle ne changera plus. J'aimerais bien savoir ce qui permet de conclure à ça... Même si l'évolution humaine se fait sans doute plus aujourd'hui sous l'effet de pressions "internes" à notre propre monde social que sous l'effet de contraintes environnementales "externes" (encore que, ce n'est pas nécessairement vrai pour tout), ça ne veut pas dire que cette évolution est interrompue. La perspective du très long terme montre que les humains ont toujours été une espèce sociale, mais que notre histoire évolutive récente (à l'échelle de l'espèce) est aussi celle de l'extension progressive de cette sociabilité, qui rend aujourd'hui pensable l'idée de communauté humaine mondiale, intégrant de façon égale les individus de tous les genres, etc. OK, j'admets que quand on regarde en ce moment du côté de la rive orientale de la Méditerranée, tout ça ne saute pas nécessairement aux yeux...
RépondreSupprimerÀ ceci près que certains concèderont que l'évolution (sociale) est possible, mais qu'elle ne pourra jamais aller « contre la nature ». Donc, je crois nécessaire de faire la distinction entre évolution, et capacité de cette évolution à rendre caducs des traits multimillénaires.
SupprimerPour une tentative de synthese elliptique d'un beotien ....
RépondreSupprimerEn ce qui concerne Jean Marc , rien a ajouter ou retrancher.
Pour Julien qui pose une question qui m'interpelle...
La domination masculine d'apres je que je sais de Nikolski et Lahire est causée, favorisée , induite .... par deux éléments eux memes interdépendants me semble t il :
- La division sexuelle ou genrée du travail (voir notre hote)
_ la dépendance aux tiers de la femme pendant la période de grossesse , de sevrage et peut etre en partie d'éducation des enfants tres jeunes.
Ces elements évoluant avec le temps (et les modes de production) entre chasseurs cueilleurs, agriculteurs et (je saute une étape peut etre importante pour Emmanuel Todd sur la structuration des formes familiales et l'ideologie qui en découle) et sociétés industrielles.
A cet égard j'ai lu dans quelques articles dont je ne sais si ils représentent la position majoritaire qu'au néolithique naissait une tendance a l'accentuation du dimorphisme sexuel ( marqueur biologique d'une plus grande structuration sociale et d'un acces différencié aux femelles chez les animaux non humains ) , dimorphisme peut etre lié a la division du travail (discutée) mais surtout à la multiplication des grossesses qui permet l'essort demographique des néolithiques.
Cette multiplication des grossesses additionnée a la mortalité infantile "selectionne" les sociétés organisées comprenant notamment une domination des hommes .
Le capitalisme lui est un systeme qui tend a étendre la captation de la plus value du travail et d'autre part intensifie la "productivité" de celui ci . Ce systeme de production a donc tendance a standardiser les fonctions , à les massifier et productivité aidant (par la machine) a permettre aux femmes de les réaliser toutes . Cet élément couplé avec la baisse drastique de la mortalité infantile au XIX siecle en occident permet au systeme capitaliste de mettre les femmes "au travail" (productif pour le systeme) et a pour effet (qui n'est revendiqué qu'a XX sicle) de permettre aux femmes de revendiquer une certaien égalité du fait de la diminution dans la société industrielle des deux paramètres de leur domination .
Donc , a mon tres humble avis , passer a une société "sobre" a laquelle selon mes lectures favorites nous serions obligés de tendre (et peut etre de maniere catastrophique) represente effectivement un danger pour cette presque égalité .... sauf a maintenir une production matérielle suffisamment machiniste d'une part et a maintenir un taux de mortalité infantile bas.
Et cela dependra selon moi , du mode de passage "piloté" ou subit d'un mode de production a l'autre et du niveau "d'effondrement" ( a prendre avec des pincettes) que nous subirons.
Quant a Jean Jacques .... pfuuuuu .... une chose apres l'autre.
En tout cas, permettez de me réjouir et de louer M DARMANGEAT de l'existence et de l'animation de ce site qui me permet de mettre mon grain de sel dans un débat ou je n'ai que ma légitimité de simple humain a revendiquer.
Avec raccourci et confusion causes effets sur cette histoire de dimorphise accentué au neolithique , la cause première ai je lu étant l'acces inégal a la nourriture.... ce qui suppose une iéngaléité première ).
SupprimerJe n'ai pas explicitement indiqué a quel niveau des différentes "couches" biologiques, sociales et culturelles faisait reference tel ou tel assertion , mais cela allait de soit me semble t il.
Tout ceci sans oublier le statut du propos, pure spéculation politico-prospectiviste dans un blog a vocation scientifique.
Sur quelle source vous appuyez-vous pour parler d'une accentuation du dimorphisme sexuel au Néolithique ?
SupprimerDesolé je n'ai pas retrouvé mes references sur ce point, mais je visionne actuellement une conférence de Claudine COHEN sur le genre , dont la première partie traite de manière intéressante de la vision de Darwin sur le sujet et ou a la 55 minute abordant l'accentuation de la domination masculine au neolithique , elle évoque d'un mot la gracilité accrue des squelettes féminins dans ces sociétés.
Supprimerhttps://www.youtube.com/watch?v=R3cRqp99wgo
Je ne suis pas certain du tout de la fiabilité de cette référence...
SupprimerL'idée sur l'évolution du dimorphisme liée à la nourriture vient de Priscille Touraille, peut-être ?
SupprimerPremièrement, comme Christophe, je serais curieux de voir une preuve scientifique de cette « accentuation du dimorphisme sexuel au néolithique ».
SupprimerDeuxièmement, quand on parle de dimorphisme, il faut faire attention à l'interprétation qu'on en fait : est-ce un dimorphisme « de naissance » en quelque sorte, lié à un patrimoine génétique qui entraîne les femelles à être plus (petites, graciles, etc.) que les mâles ? Ou bien observe-t-on (aussi) une composante sociale, liée à l'organisation du travail ? Indépendamment des tendances biologiques innées, le squelette se forme aussi et surtout en fonction de l'activité concrète de l'individu : une accentuation de la division sexuelle du travait peut donc aussi entraîner une accentuation du dimorphisme visible (dans le registre archéologique), même si le patrimoine génétique n'a pas changé.
Troisièmement, je trouve intéressant que l'accentuation du caractère « gracile » des femmes soit implicitement associé à une accentuation de la domination des hommes. Bien sûr, la force physique a probablement un rôle dans cette domination, surtout dans les sociétés non-humaines, mais est-ce vraiment le fin mot de l'histoire en ce qui nous concerne, nous humains évolués ?
"La nature humaine est-elle réactionnaire?" Je pense qu'ont doit donner la même réponse à la question "La nature humaine est violente?" Oui. Mais pourquoi et dans quelles circonstances. La montée de l'extrême droite (les réactionnaires) est une bonne occasion pour poser la première question: la pauvreté, le manque de ressource, pousse à la radicalisation, à la violence pour se procurer le nécessaire de vivre. Comme la gauche (lire la social démocratie) s'est avéré incompétente à répondre aux malheurs du peuple; bien sûr la droite va prendre le terrain libre, avec toutes les politiques rétrogrades qu'on abhorrent.
RépondreSupprimerEst-ce que chasser du gibier est violent? Tuer c'est violent. C'est un bel exemple de notre nature violente pour notre survie. (les végans ne seront pas d'accord bien sûr!).
La nature humaine est-elle violente envers les humains? Encore oui. Les faits parlent d'eux-mêmes de la préhistoire à aujourd'hui (Darmangeat nous en a fait la preuve). La question suivante est pourquoi?
Toujours pour les mêmes estie de raisons! La raréfaction des ressources, l'obligation d'empiéter sur le terrain des autres. Et pour les sociétés de classe, l’appât du gain, du profit de la classe dominante sur les autres nations (Il me semble qu'on ait à donner un seul exemple, le pétrole des nations du Moyen Orient).
La nature humaine est-elle violente? Fondamentalement, NON. La nature humaine, sa principale qualité (comme dit Jean-Marc) c'est sa sociabilité, qualité fondamentale pour sa survie au moment où il s'est aventuré dans la steppe, en position debout, hyper lent, sans griffe ni croc, la proie idéale donc. Sociabilité pour établir stratégie et moyen pour se protéger.
Avait-il besoin de dominer les femmes? OUI. Pourquoi et dans quelles circonstances? Avant la chasse au gros gibier, on croit qu'il n'y a pas eu de domination des femmes. Cette chasse est dangereuse donc pas question d'y envoyer les femmes qui sont nos "moyens de reproduction".
À mesure que les moyens de production se développe dans l'histoire, l'humain contrôle la nature et n'a donc plus besoin de s'entretuer ni de dominer qui que ce soit! Le paradis est en vue!
Mais non, il n'apparait pas... la division en classe en a décidé autrement. Pourquoi? c'est un autre débat.
Merci pour cet article.
RépondreSupprimerOn a grand besoin de sciences et d'approches scientifiques, avec la lenteur nécessaire pour leur élaboration, dans un monde où prédomine la recherche de buzz.
Tout ceci me rappelle le débat de 1971 entre Chomsky et Foucault sur la « nature humaine ».
A deux jours ouvrés de ne plus avoir à bosser (la retraite quoi !), je vais mieux pouvoir éplucher ce qui s'écrit.
Je trouve cela préoccupant d'avoir à rappeler ce qui devrait être une évidence. Je suis peut-être naïf, mais un cours de philosophie en terminale aborde cette question et réfute de la même manière que vous le faîtes le raisonnement – invalide – réfutant une hypothèse à cause d'une conséquence déplaisante. Il en va de même pour tous les sophismes naturalistes. Cela devrait également être fait dans les autres matières : histoire-géo, sciences économiques et sociales, sciences de la terre...
RépondreSupprimerC'est triste d'être arrivé à un stade où les journalistes soit ne sont plus capables de comprendre cela, soit entretiennent les polémiques à ce sujet par cynisme. Et c'est encore plus triste quand ce sont des intellectuels qui commettent ce genre de faute de raisonnement.
Vous mentionnez Lahire... À ma connaissance, le sujet a été abordé récemment et de manière bien plus pertinente – mais je peux me tromper – par des auteurs marxistes comme G. Guille-Escuret (Structures sociales et systèmes naturels) et P. Tort (Pour Darwin, Darwinisme et société, Qu'est-ce que le matérialisme ?, Sexe race et culture, et d'autres encore).
Bien à vous,
W.E
J'ai beaucoup aimé le livre de Lahire, et n'ai jamais réussi à m'accrocher à la prose de Georges (qui écrivait d'une manière abominablement cryptique, tout en réfléchissant de façon brillante). Il faudrait vraiment que j'y arrive un jour...
SupprimerCe texte m'évoque ce que Patick Tort exprime déjà depuis un moment par le terme d'"effet réversif de l'évolution humaine".
RépondreSupprimerCe la se recouvre pour partie, mais pas entièrement. Certains utiliseraient cet effet réversif pour affirmer que depuis que l'humain est humain, son héritage évolutif ne pèse plus rien face à sa culture.
SupprimerTrès intéressant. La question de l'essence humaine rejoint des réflexions récemment formulées par Stéphanie Roza dans son dernier ouvrage sorti aux PUF, "Le marxisme est un humanisme": https://www.puf.com/le-marxisme-est-un-humanisme?v=24554
RépondreSupprimerL'avez-vous parcouru?
Je connais l'auteure, mais pas son livre...
SupprimerLe respect de votre capacité à inspirer et à motiver les lecteurs à passer à l'action.
RépondreSupprimerJe lis Patrick Tort depuis 1996, depuis la parution de son magnifique Dictionnaire du darwinisme et de l'évolution. Sans prétendre avoir compris la pensée du philosophe dans toute sa complexité, il me semble qu'il traduit sa lecture de Darwin, et des darwiniens ultérieurs, dans des termes qui sont clairement dialectiques.
RépondreSupprimerJe cite Tort de mémoire : dans l'espèce humaine, la sélection naturelle (et sexuelle) a sélectionné la civilisation, qui s'oppose à la sélection naturelle. C'est ce qu'il appelle "l'effet réversif" de l'évolution. La sélection naturelle n'a jamais disparu, elle existe, mais il en est sorti quelque chose qui la modifie et qui tend à l'annuler en ce qui concerne l'espèce humaine. A quel moment ? c'est-à-dire : quand la supposée nature humaine est-elle apparue ? Cette question n'a pas plus de sens que celle du point de passage d'une face à l'autre sur le ruban d'un "anneau de Moebius", métaphore fréquente chez Tort.
Il n'est pas question pour lui, je crois, de nier le substrat corporel (mais celui-ci est en évolution), ni les pressions de l'environnement (mais il varie), ni celles des socialités les plus anciennes (probablement variables aussi, comme tout le reste), depuis que notre espèce existe. Notre "héritage" biologique nous impose des limites - puisque nous n'avons pas des petites ailes pour voler - mais cet héritage ne détermine pas un destin, ni une forme sociale. Ceux-ci relèvent de la civilisation.
Marc Guillaumie.
Cher Marc Guillaumie,
SupprimerJe suis certain que la lecture de Patrick Tort vous apportera beaucoup. Notez toutefois que jamais ce dernier ne se présente comme un philosophe, car il accorde un rôle tout à fait subalterne à cette discipline.
Quant à la "dialectique", ce terme fourre-tout qui prend à peu près toutes les significations qu'on lui prête, il ne lui accorde guère d'importance, car généralement il n'ajoute rien de plus à la-dite connaissance du phénomène décrit.
Si vous voulez vérifier mes dires, je vous suggère d'avoir sous la main Qu'est-ce que le matérialisme ? est de lire attentivement l'avant-propos ainsi que les chapitres 13, 14, 15 et 21 (très exactement : la page 583).
Bien à vous,
Merci pour ces conseils, que je vais suivre... avec entrain !
SupprimerBien à vous.
M. G.
Cependant, vous m'avez pour le moins surpris (!) en affirmant que "jamais [Patrick Tort] ne se présente comme un philosophe, car il accorde un rôle tout à fait subalterne à cette discipline". Voilà qui serait bien peu compatible avec tous les efforts de Tort pour démentir l'évolutionnisme philosophique de Herbert Spencer, avec toutes les références de Tort à Karl Marx (entre autres), enfin avec sa façon de se présenter, tout simplement. Il faudra que je relise.
SupprimerMais j'ai voulu aller vite, et je viens de faire un tour sur le site officiel de Patrick Tort, où j'ai trouvé ces premières lignes :
TORT Patrick Henri
Né le 5 février 1952 à Privas (Ardèche, 07)
« PATRICK TORT, Agrégé de l'Université, Docteur d'État ès Lettres, Philosophe, Linguiste, Épistémologue, Historien des sciences biologiques et humaines [... etc.]
Donc vous vous trompez. Il se présente comme philosophe, évidemment. Le contraire aurait été tout à fait étonnant.
Mais merci quand même, pour vos conseils de (re)lecture.
M. G.
Cher M.G,
SupprimerJe comprends votre propos, mais je persiste et signe (pour en avoir discuté longuement et de multiples fois avec l'intéressé lui-même). Lorsqu'il est indiqué qu'il est "philosophe", c'est un choix extérieur qui n'est pas celui de Tort lui-même, qui a de nombreuses fois indiqué qu'il n'était pas philosophe. Si vous lisez les textes que je vous ai conseillés, vous pourrez aisément arriver à la même conclusion. Vous pouvez consulter également cet entretien récent pour vous en assurer : https://www.youtube.com/watch?v=bIFmkv86-LE
Je reviens sur votre premier point. Il n'y a pas de rapport entre la critique que fait l'auteur de Spencer et ses références à Marx et le fait d'être philosophe, tout simplement. Ici, P. Tort critique Spencer en tant qu'historien des idées ou, comme il aime à s'identifier, "analyste des complexes discursifs".
Ensuite, on n'est pas sommé d'être philosophe pour faire des références à K. Marx – l'auteur de ce blog pourrait, j'en suis sûr, vous le confirmer.
Bonne lecture !
Amicalement,
Personnellement, je me contente d'essayer de prendre les choses avec philosophie. C'est une ambition modeste, mais pourtant trop souvent au-dessus de mes forces. ;-)
SupprimerD'accord avec vous, Entrain : pas besoin d'être pâtissier, pour aimer les gâteaux. Ainsi citer des philosophes, les lire avec une attention toute professionnelle, argumenter à leur propos, n'impliquerait pas qu'on soit philosophe... Pourquoi pas ? N'étant pas philosophe moi-même, je suis bien incapable d'en décider.
SupprimerMerci pour cette vidéo (dont l'arrière-plan est fascinant, avec le type qui répare une télé en tranchant du boudin) mais vous remarquerez peut-être que Patrick Tort y emploie deux fois le mot "dialectique" sans dégoût apparent ; et que la fin de son propos est beaucoup plus nuancée que vous le dites.
N'importe. Je vous concède volontiers que Patrick Tort, dont la formation initiale est la philosophie, qui a passé pas mal de temps à décortiquer divers philosophes et qui se présente comme philosophe sur son site... n'est pas philosophe, puisqu'il vous l'a dit. (A quelques autres et à moi, il avait dit l'inverse ; mais c'était il y a longtemps). Je suis d'avis qu'il vaut mieux appeler les gens comme ils souhaitent qu'on les appelle. S'il dit qu'il n'est pas philosophe, très bien, il n'est pas philosophe. D'ailleurs, Bartabas ne fait pas de l'équitation : il n'aime pas ce mot ;-)
Amitiés.
Marc Guillaumie.
Plus sérieusement : il me semble que Patrick Tort critique là une certaine tradition philosophique (l'idéalisme ; puis c'est l'exemple des deux affreux, Heidegger et Spencer, et au passage Popper), mais qu'il le fait à partir de la philosophie elle-même. Cette attitude n'est permise qu'à de rares iconoclastes très doués... On aurait vexé Rimbaud, en lui disant qu'il faisait de la littérature. Avec ses "complexes discursifs" Tort s'écarte de cette tradition philosophique pour aller vers quelque chose comme la linguistique (il se présente d'ailleurs aussi comme linguiste) ou la sémiologie, territoires qui me sont un peu moins mystérieux que la philosophie. Mais il faut que je lise les pages que vous m'avez indiquées.
SupprimerM. G.
C'est l'effet réversif de la philo, ou de Patrick Tort lui-même : en philosophant, le philosophe finit par philosopher contre la philosophie ! Mais j'arrête de polluer ce beau blog par mes impertinentes remarques.
SupprimerM. G.