La guerre, le feud, les communautés politiques et la sédentarité (par Jürg Helbling)
Les lecteurs de ce blog se souviennent probablement du riche débat qui se déroule sur ce blog à propos de la guerre primitive, et dont les principaux protagonistes (outre ma pomme) sont Bruno Boulestin, Tangui Przybylowski et Jürg Helbling. Pour rappel, la dernière intervention, dont j'étais l'auteur, remontait au 8 mars dernier. Jürg vient de relancer la discussion, et c'est avec grand plaisir que je publie son texte... en attendant de lui répondre.
Après une pause de plusieurs mois, j'aimerais reprendre notre discussion. Mon texte se réfère aux commentaires de Tangui et Bruno ainsi qu'au texte plus long de Christophe, La guerre, le feud et le problème des « communautés politiques ».
1. Distances et sédentarité
Christophe distingue différentes relations entre la sédentarité et les conflits violents (c'est-à-dire la guerre), qui sont souvent mélangées : 1) les conflits pour les ressources et la guerre dans le but de s'approprier des ressources rares, 2) la restriction croissante de la mobilité en raison de la densité croissante de la population, et 3) le manque d'options alternatives en cas de conflit en raison des coûts d'opportunité élevés de la mobilité (p. 1 et 2/12). Comme Christophe le fait remarquer à juste titre, je n'ai jamais soutenu autre chose que la thèse 3, dans laquelle, toutefois, la densité de population joue également un rôle. Il y a deux éléments que je considère comme importants.
Premièrement, la dépendance à l'égard de ressources concentrées dans l'espace : Ces ressources comprennent les champs, les pâturages, les lieux de pêche, chacun avec des investissements en travail (irrigation, puits, infrastructures de pêche) et avec une productivité différente (qualité du sol, disponibilité de l'abreuvement du bétail, disponibilité permanente de poissons et d'animaux aquatiques). Ces ressources concentrées dans l'espace seraient perdues par un groupe s'il devait s'éloigner pour éviter un conflit avec un groupe voisin. En raison des coûts d'opportunité élevés de la mobilité, les groupes sont largement immobiles et ne peuvent donc pas éviter d'éventuels conflits avec les groupes voisins en s'éloignant. En l'absence d'une instance centrale supérieure de pouvoir (comme un État) et la dépendance des groupes locaux à l'égard de ressources concentrées dans l'espace ont déclenché l'interaction guerrière entre les villages. C'est la méfiance mutuelle et la peur d'être attaqué qui obligent chaque groupe local à s'armer et à attaquer d'abord à un moment favorable avant d'être attaqué à un moment défavorable.
Deuxièmement, une forte densité de population (ou une forte densité de population) : il ne s'agit toutefois que de valeurs moyennes ; ce qui est plus déterminant, c'est la variation des distances entre les groupes locaux au sein d'une zone tribale. Cette variation des distances entre les groupes locaux est en corrélation avec la localisation centrale ou périphérique d'un groupe local dans une zone tribale. Plus les distances entre les groupes locaux sont courtes (comme au centre), plus l'interaction est intense et plus le potentiel de conflit et la peur mutuelle d'être attaqué seront élevés.
J'admets que les choses sont – comme toujours – un peu plus compliquées : les coûts d'opportunité élevés de la mobilité impliquent-ils une sédentarité totale ou incluent-ils également une semi-sédentarité ? Quelle doit être la durée maximale de séjour d'un groupe en un même lieu pour que l'on puisse parler de sédentarité étendue ? La durée maximale de séjour est-elle suffisamment longue si les groupes locaux se battent entre eux ? Dans quelle mesure les coûts d'opportunité de la mobilité varient-ils en fonction du type de ressources dont dépendent les groupes locaux ? Une agriculture extensive avec plusieurs jardins dans différents endroits, ainsi qu'une quantité considérable de chasse et de cueillette, comme chez les Yanomami, Waorani, Mekranoti, Jivaro, n'est évidemment pas une raison pour ne pas faire la guerre.
2. La mortalité liée à la violence
Avant d'expliquer la guerre, il faut savoir quand, où et si elle a lieu, comme l'écrit Christophe (p. 2/12). Qu'en est-il alors de la fréquence des conflits ?
Christophe semble assez sceptique quant à la possibilité de répondre à cette question :
Le premier (point) consiste à savoir si l'augmentation des victimes est clairement plus élevée que celle de la population, c'est-à-dire si cette augmentation se formule réellement en termes relatifs, et pas seulement en termes absolus (p. 2/12)
Les données sur la mortalité liée à la violence ne sont jamais données en chiffres absolus, mais sont toujours rapportées à la taille d'une population : le nombre de morts violentes par rapport au nombre total de décès, le nombre de morts violentes pour 100 000 individus ou – comme en archéologie – le nombre de squelettes présentant des traces de violence par rapport aux squelettes sans ces traces. Tous les chiffres doivent être pris avec des pincettes, je suis d'accord avec la deuxième réserve de Christophe, mais il faut bien faire avec les chiffres dont nous disposons, qui permettentau moins d'estimer les magnitudes relatives de la guerre et de la violence dans différentes populations.
Le tableau des taux d'homicide montre une distribution bimodale claire : les chasseurs-cueilleurs mobiles d'une part et les groupes tribaux et mésolithiques d'autre part. Les chasseurs-cueilleurs mobiles ont un taux d'homicide typique de ± 40, mais il y a aussi des groupes qui ont été durement sollicités par des acteurs extérieurs (comme les chasseurs de phoques et les prospecteurs dans le cas des Yamana, ou les groupes déplacés qui envahissent la région dans le cas des Copper Inuit) et qui ont donc des taux d'homicide plus élevés. Les groupes « mésolithiques » (tels que les Gidjingali, les Yolngu et les Wathaurung) ont des taux d'homicide aussi élevés que les groupes tribaux (« néolithiques »).
Peuple | Dates | Homicides / 100 000 |
Sources |
Hadza | ? | 7 | Kelly 2013: 203 Marlowe 2010: 141 |
Andamanais | 30 ans | 20 | Keeley 1996: 195 Wright 1942: 569 |
Mbuti | 1935-1965 | 40 | Kelly 2000: 20 Turnbull 1965: 186, 190, 236 |
!Kung San | 1920-1955 | 42 | Lee 1979: 398 |
Siriono | 1915-1941 | 53 | Kelly 2000: 165 Holmberg 1969: 131, 153 |
Copper Inuit | 1900-1920 | 100 | Gat 2006: 130 Symons 1979: 145 |
Tiwi | 1893-1903 | 160 | Keeley 1996 Pilling 1968 |
Yamana | 1871-1869 | 169 | Cooper 1917 Bridges 1884: 223f. |
Gidjingali | 148 | Wrangham 2006 Hiatt 1965 |
|
Murngin (Yolngu) | 1910-1930 | 330 | Knauft 1986: 464 Warner 1931:481f. |
Wathaurung | 1803-1835 | 446 | Blainey 2015: 111f |
Yanomami | 1938-1958 | 290 | Keeley 1996: 195 Early/Peters 1990: 18 |
Mae Enga | 1900-1950 | 320 | Keeley 1996: 195 Meggitt 1977: 12f., 109 |
Tauade | 1900-1946 | 320 | Keeley 1996: 195 Hallpike 1977: 120, 202 |
Gebusi | 1940-1982 | 419 | Keeley 1996: 195 Knauft 1985: 119, 376f. |
Auyana | 1924-1949 | 420 | Keeley 1996: 195 Robbins 1982: 211 |
Manga | 1946-1956 | 460 | Keeley 1996: 195 Pflanz-Cook 1983: 188 |
Telefolmin | 1939-1950 | 740 | Keeley 1996: 195 Morren 1984: 188 |
Chippewa | 1825-1832 | 740 | Keeley 1996: 195 Hickerson 1962: 28 |
Les chiffres concernant les sociétés tribales (les 8 dernières de la liste) ne sont pas exagérés. Dans un échantillon de sociétés tribales (N = 20), le taux moyen d'homicides est de 583.
Une distribution bimodale similaire peut être discernée dans les taux de mortalité liés à la violence.
Peuple | Mortalité par homicide % de la population totale |
Sources |
!Kung San (1920–1955) | 2 | Kelly (2000: 159) |
Casiguran Agta (1936–1950) | 5 | Bowles (2009) Headland (1989) |
Yamana (1871–1884) | 9 | Kelly (2000: 158) |
Andamanais (30 ans) | 4 - 5 | Kelly (2000: 158f., 171) Man (1885: 13) |
Walbiri 5–6.5 | 5 - 6,5 | Kimber (1990: 163) |
Aché (précontact, avant 1970) | 3 - 7 | Kelly (2013: 204) Hill/Hurtado (1996) |
Hiwi (précontact,avant 1960) | 7 | Kelly (2013: 204) Hill/Hurtado (1996) |
Tiwi (1893–1903) | 10 (hommes) 6 (tous les adultes) |
Bowles (2009) Roser 2013 Pilling (1968: 158) |
Yolngu (1910–1930) | 21 | Bowles (2009) Warner (1931: 481f.) |
Wathaurung (1803–1835) | 24 | Blainey 2015: 111f. |
Mai Enga (1900–1950) | 19 | Meggitt (1977: 110f.) |
Shamatari (Yanomami) | 21 | Chagnon (1974: 160) |
Kalinga (début 20e siècle) | 24 | Dozier (1966: 207) |
Tauna (Awa, 1900–1950) | 25 | Hayano (1974: 287) |
Mekranoti (avant 1955) | 32 | Werner (1983: 241) |
Baktaman (Faiwolmin) | 35 | Barth (1971: 175) |
Shuar (Jivaro) | 35 | Bennett-Ross (1984: 96) |
Là encore, les chiffres concernant les sociétés tribales et mésolithiques ne sont pas exagérés. Dans un échantillon ethnographique de sociétés tribales (N=17), le taux moyen de mortalité due à la violence dans la population totale est de 27 % ; dans un échantillon archéologique de sociétés mésolithiques (N=24), le taux moyen de la mortalité due à la violence est de 20 %.
En outre, une comparaison statistique de 60 sociétés non-étatiques montre une forte corrélation (R2 = 0,66) entre la sédentarité, l’existence des groupes locaux en corps (« corporate ») et la guerre, comme je l'ai montré (Helbling 2006, chap. II. 5.3.2.).
C'est maintenant à ceux qui ne sont pas d'accord, de falsifier cette thèse et de réfuter les données empiriques sur lesquelles elle est fondée.
3. Feud et guerre
Comme indiqué à plusieurs reprises auparavant, je trouve utiles les définitions suivantes de la guerre et du feud :
La guerre est un combat armé entre communautés politiques (Otterbein 1973: 923 sq. ; Ferguson 1984 : 5 ; Ember et Ember 1994 : 190)
ou :
... une violence planifiée exercée par les membres d'une unité politique, au nom de cette unité, contre une autre (Berndt 1964: 183). Le feud, en revanche, est une vengeance sanglante – suite à un homicide – entre des individus ou des familles, appartenant à des communautés politiques différentes, qu'elle dégénère ou non en une guerre entre groupes locaux (Carneiro 1994: 6).
Je n'ai guère de relation affective ou même totémique avec les termes et les définitions. Cependant, lorsque les termes et les définitions sont discutés, une attitude un peu plus pragmatique et détendue serait bénéfique. Comme indiqué dans mon commentaire précédent, j'accepte la conception de Bruno et Christophe (« la différence entre le feud et la guerre comme la différence entre la recherche de l'équilibre des victimes et la maximisation des pertes enemies »). Mais je ne la considère pas suffisante car « il faut également répondre à la question des protagonistes de la guerre et du feud ».
Christophe construit une opposition entre deux « thèses » : soit « nature des unités sociales impliquées », soit « objectifs des opérations militaires » (p. 2/12). Cependant, les deux critères ne sont pas nécessairement contradictoires, comme l'illustre le schéma 1.
Niveau | Intention | |
Equilibrage (restreint) |
Destruction (non restreint) |
|
Individuel (famille) | feud (judiciaire) |
meurtres et contre-meurtres |
Groupe local (de parenté) | batailles régulées |
batailles non régulées attaques surprise |
De plus, comme Christophe, je considère le feud comme un fait juridique (p. 4/12), mais alors Christophe (p. 11/12) ne devrait pas la qualifier à nouveau de politique. Le feud vise à équilibrer le bilan des victimes entre les familles (en tuant un coupable ou en acceptant une compensation) et sert donc à éviter une guerre entre des groupes locaux (ou groupes de parenté locaux). Les hostilités peuvent néanmoins dégénérer – via le mécanisme de la responsabilité clanique – en une guerre entre groupes locaux, comme le démontre Greuel (1961 sur les Nuer).
Une autre approche pour aborder le phénomène de la guerre consiste à partir des catégories des sociétés concernées. Warner (1937) distingue les modalités suivantes de conflit violent chez les Yolngu (Murngin):
Le miringu désigne une attaque surprise de jeunes guerriers d'un patriclan et de patriclans alliés avec l'autorisation des anciens du clan dans le but d'une mise à mort compensatoire, mais cette violence dégénère généralement en guerre en raison de la responsabilité de la parenté.
Un meurtre isolé, en raison de la force des structures de parenté, a généralement pour conséquence que tout le nord-est de la Terre d'Arnhem devient un champ de bataille à intervalles assez fréquents (Warner 1937: 145).
Le milwerangel est un combat/échange de coups réglementé entre des groupes locaux dans l'intention de faire la paix.
Le combat ressemble à une bagarre après quelques minutes de combat (Warner 1937: 161).
Le makarada est un duel entre un groupe plaignant et le ou les offenseurs. L'offenseur peut mourir ou n'être que légèrement blessé. Le makarada est basé sur l'intention mutuelle d'éviter la guerre, mais en même temps d'accepter la culpabilité et la punition d'un coupable.
Les narrup (djawald) sont des attaques surprises menées par des guerriers d'un patriclan et de patriclans alliés sans l'autorisation des anciens du clan, dans le but d'une mise à mort compensatoire.
Bien que le narrup puisse être une affaire individuelle, le clan tout entier est tenu responsable de la mise à mort (Warner 1937: 157).
Il n'y a aucune intention d'équilibrer les pertes. Par conséquent, autant d'ennemis que possible sont tués, et le narrup est l'une des formes les plus meurtrières de violence collective chez les Yolngu.
Le gaingar est une bataille rangée entre deux coalitions de groupes locaux. Ces guerres causaient le plus de pertes mais étaient relativement rares (Warner 1937: 161). Le meurtre mutuel d'individus de clans hostiles, comme le rapporte Warner (1937: 166-179, peut durer des années. Ces meurtres mutuels peuvent conduire à la décision de mettre fin aux hostilités via un gaingar (Warner 1937: 162).
Traduire les termes indigènes en catégories analytiques n'est pas toujours une tâche facile. Warner lui-même parle de « six variétés distinctes de guerre » (Warner 1937: 155) et subsume donc la violence entre individus, les raids et les batailles (limitées et illimitées), les querelles et les duels sous la catégorie de la guerre. Mais des catégories analytiques sont néanmoins nécessaires pour traduire les concepts indigènes. Ce n'est pas ethnocentrique ; Christophe s'y essaie lui-même lorsqu'il dit : miringu = feud et gaingar = guerre (p. 6/12). Mais à quoi font référence les autres concepts yolngu ? Le schéma suivant fournit une réponse possible à cette question :
Niveau | Intention | |
Equilibrage (restreint) |
Destruction (non restreint) |
|
Individuel (famille) | makarada |
>meurtres mutuels |
Groupe local (de parenté) | milwerangel |
gaingar, mirringu, narrup |
4. L'unité politique
La guerre nécessite également la définition des unités politiques entre lesquelles elle se déroule.
Une communauté politique est un groupe de personnes dont l'appartenance est définie par l'occupation d'un territoire commun (Otterbein 1985 : 3, Radcliffe-Brown 1940: xx, xxiii).
Cela n'implique pas la territorialité, mais signifie simplement que les membres d'une telle communauté politique vivent ensemble dans un même lieu (Radcliffe-Brown 1940: xx). Non seulement les groupes locaux (par exemple les villages) dans les sociétés tribales, mais aussi les groupes (bands) de chasseurs-cueilleurs mobiles sont des communautés politiques (Otterbein 1985: 17f.). Qu'est-ce qui est spécifiquement politique dans une communauté politique ? « Toute communauté politique possède une structure politique...» (Otterbein 1985: 3). Cela signifie qu'une communauté politique est caractérisée par des relations de pouvoir spécifiques (égalitaires ou inégalitaires) et dotée de procédures spécifiques pour la prise de décision collective et la résolution des conflits internes. En outre, chaque communauté politique agit en tant qu'acteur collectif vis-à-vis d'autres groupes : dans la guerre, les traités de paix, les rituels, la diplomatie, etc. (cf. également Radcliffe-Brown 1940: xiv, xviii-xxiii). Les relations de pouvoir et les procédures de prise de décision et de résolution des conflits au sein d'une communauté politique exigent que les gens vivent ensemble dans un même lieu. " La horde (patrilocal patriclan, J.H.) était le groupe qui faisait la guerre, chaque horde était indépendante et autonome, .... Elle avait son ordre interne et un système d'autorité" (Thomson 1949: 11f. sur les Yolngu).
Christophe rejette avec véhémence cette conception de la communauté politique. Selon lui, ma conception de la guerre et du feud conduit à de graves problèmes. Il écrit: « Si on admet ces prémisses, deux conclusions s'imposent: 1. Il ne peut y avoir de guerre à l'intérieur même d'une unité politique, 2. une même unité sociale peut faire soit le feud, soit la guerre, mais jamais les deux. » Je suis tout à fait d'accord avec Christophe sur ces conséquences de mes définitions. Mais je ne les considère pas comme un problème, bien au contraire:
Ad 1: Lorsqu'une guerre civile éclate, l'élite étatique perd son monopole du pouvoir, qui est la base de l'entité politique (l'État). L'appareil d'État existe toujours, mais il est désormais un belligérant aux côtés des autres, luttant pour rétablir son monopole sur l'usage de la force. Tant qu'il n'y est pas parvenu, l'État (au sens de territoire étatique) n'est plus une entité politique. Au contraire, avec les partis de la guerre civile émergent deux entités politiques. Ce n'est qu'après la fin de la guerre civile et la restauration du monopole étatique de la force qu'une seule entité politique émerge à nouveau. L'Espagne n'est redevenue une unité politique qu'après que les forces fascistes aient vaincu les forces républicaines et établi leur régime.
Ad 2 : si l'on accepte mes définitions de la guerre et de la vendetta, il s'ensuit, comme le remarque justement Christophe, que les familles ne font pas la guerre et que les groupes locaux ne font pas de vendetta (voir aussi le schéma ci-dessus). Je pense que ces conceptions sont utiles et pertinentes pour analyser des situations et des contextes ethnographiques concrets : le feud est la tentative de résoudre juridiquement un conflit entre individus, c'est-à-dire de le limiter à un conflit entre familles, afin d'éviter une guerre entre deux groupes locaux. Si les autres membres d'un groupe local ne veulent pas commencer une guerre, ils ne soutiendront pas la famille de la victime, mais la forceront à négocier avec la famille de l'agresseur et à accepter un paiement compensatoire. Mais les hostilités peuvent aussi – par le mécanisme de la responsabilité clanique – dégénérer en une guerre entre les deux groupes locaux. Ce cas ne se produira toutefois que si les autres membres des groupes locaux considèrent la guerre non seulement comme inévitable, mais aussi comme gagnable, comme le montre Greuel (1961) avec l'exemple des Nuer.
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