Des protections désarmantes
Il est des moments où la réalité ressemble à une étrange fiction, dont ne sait plus trop s'il faut en rire ou en pleurer (Spinoza aurait dit : « ni l'un ni l'autre », mais je me demande si ce n'est pas plutôt : « les deux »).
Toujours est-il qu'une des croyances les plus répandues et les plus ancrées à travers le monde concerne les supposés effets dangereux, ou délétères, du sang des règles féminines sur tout ce qui relève du masculin. C'est la raison pour laquelle, chez bien des peuples, les femmes – tout particulièrement lors de leurs menstrues – ne doivent en aucun cas s'approcher d'une arme, qui sinon en serait affectée et ne pourrait plus tuer ni gibier, ni ennemi. C'est aussi la raison la raison pour laquelle, durant leurs périodes, les femmes sont confinées dans des huttes spéciales, dites « menstruelles », à l'écart du village. Les rares contacts qui leur sont alors autorisés ne se font qu'avec d'infinies précautions en raison du danger dont elles sont censées être porteuses.
Même dans les pays les plus modernes, ces croyances subsistent sous une forme atténuée. Alain Testart, dans son essai L'Amazone et la cuisinière, en donnait quelques exemples, comme les traditions interdisant aux femmes de couper la viande, de déboucher une bouteille de vin, ou la conviction que la proximité d'une femme en règles empêcherait la mayonnaise de prendre. Naturellement, dans certains pays du monde, ces croyances restent beaucoup plus prégnantes. Il y a une dizaine d'années, un documentaire sur le Bhoutan racontait ainsi un concours de tir à l'arc entre villages ; peu avant l'événement, les hôtes suspendaient subrepticement des protections féminines usagées dans les arbres qui surplombaient le chemin, persuadés que les flèches de ceux qui passeraient dessous en arrivant en seraient affectées et manqueraient leur cible.
Or, cette affaire vient de faire une irruption inattendue dans l'actualité, puisqu'on apprend sur les réseaux sociaux qu'en Birmanie, les manifestants ont trouvé un étonnant moyen de dissuasion contre les militaires : ils suspendent en travers des rues des sous-vêtements féminins, mais aussi des protections périodiques usagées. Ainsi que le rapporte une internaute : « La fameuse superstition de la junte militaire, c'est qu'ils évitent à tout prix de passer au-dessous des sous-vêtements des femmes parce qu'ils croient que ça porte malheur et que ça induit même la défaite et la mort sur leur champ de bataille. »
Le mot de la fin : je crois que ce blog n'a jamais aussi bien porté son nom.
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