Trois musées et un doux rêve
Mes quelques pérégrinations estivales m'ont donné l'occasion de visiter – entre autres – trois musées qui méritent bien que je leur consacre quelques lignes.
1. Le Puy de Lemptégy
Le thème du premier n'a rien à voir avec les sciences sociales. Je ne sais même pas si l'on peut dire à proprement parler que c'est un musée. Il s'agit d'un des volcans de la chaîne des Puys, en Auvergne : le puy de Lemptégy. Le cratère a été exploité durant des décennies en tant que carrière. Dans les années 1970, un géologue de l'Université de Clermont-Ferrand a perçu le grand intérêt pédagogique du lieu, s'est lié avec l'exploitant et a commencé à organiser des visites d'étudiants. Peu à peu, l'activité d'extraction de pierres a diminué (pour cesser totalement il y a quelques années), et celle du tourisme s'est développée. Elle est aujourd'hui parfaitement rôdée. Les visiteurs sont invités à le parcourir soit à pied, soit dans un petit train. Dans les deux cas, un guide déroule un exposé durant un peu plus d'une heure, qui s'organise autour de différentes haltes dans le parcours (durant lesquelles quelques bancs permettent de profiter du paysage... et de se reposer).
Outre le caractère spectaculaire du site, la visite frappe par la qualité pédagogique de l'exposé qui est une très grande réussite (et qui, selon la rumeur publique, dépasse à tous points de vue celle de Vulcania, juste en face... et beaucoup plus cher). Le contenu réussit le tour de force d'être extrêmement accessible tout en transmettant plusieurs raisonnements essentiels sur la nature, le fonctionnement et l'évolution des volcans. Le guide utilise des métaphores très parlantes, n'hésite pas à solliciter les questions et prend soin d'insérer la réponse au moment opportun – une question posée vers le début de la visite a ainsi été traitée presque en conclusion.
Bref, non seulement c'est beau, mais on a le sentiment d'apprendre énormément de choses, même (et surtout) si l'on ne connaît rien au sujet au départ. Et on a envie d'y envoyer ses proches, ses potes, et tous les gamins possibles, pour qu'ils s'émerveillent à la fois de ce qu'ils voient et de ce qu'ils comprennent.
2. Quinson
Le deuxième musée est celui de Quinson, un petit village des Alpes de Haute-Provence, aux portes des Gorges du Verdon. De facture beaucoup plus classique, il présente en deux longs couloirs l'ensemble des périodes de la Préhistoire, depuis les premiers hominidés jusqu'à l'âge du fer (avec même, en conclusion, une réflexion sur l'époque contemporaine et les perspectives qui s'offrent à l'humanité).
Aucun objet exceptionnel, aucune découverte emblématique, ne figurent parmi les collections exposées à Quinson. Plusieurs sont d'ailleurs des reproductions – mais est-ce si grave ? Au demeurant, étant donné son sujet et l'ampleur de la période qu'il couvre, le musée est plutôt avare d'objets (dont on pourrait craindre l'inflation). Il l'est aussi de ces effets ou animation multimédia dont certains lieux sont aujourd'hui si friands. En fait, Quinson repose sur une approche « à l'ancienne », où la colonne vertébrale de la visite est constituée de texte. Il faut lire – beaucoup, trop peut-être ? – pour que ce qui est montré prenne son sens. Autour de l'écriture, des objets, donc ; quelques cartes et schémas ; mais surtout une demi-douzaine de dioramas, scènes de la vie quotidienne reconstituées avec des statues de cire, et qui sont sans doute la plus belle réussite pédagogique de l'endroit.
Un des dioramas du musée (salle néolithique) |
Au total, même si le mode de transmission est un peu austère, le public en ressort là aussi avec le sentiment qu'on s'est efforcé – avec succès – de lui apprendre quelque chose au sujet de la longue aventure humaine.
3. La Vieille Charité
Une tête-trophée des Asmat de Nouvelle-Guinée |
Le troisième musée se trouve à Marseille : c'est celui de la Vieille Charité. En plein centre ville, dans un magnifique hospice du XVIIe siècle reconverti, il regroupe des collections ethnologiques – la visite inclut celle, dans le même bâtiment, du musée d'archéologie méditerranéenne, qui présente la préhistoire locale depuis le néolithique.
Le musée d'arts africains, océaniens et amérindiens comporte, comme son nom l'indique, des objets provenant de parties du monde très diverses. Comme un avertissement le précise d'emblée, il est beaucoup plus discutable que ces objets puissent être regroupés sous l'appellation « d'art ». Si, effectivement, ils répondent tous à des préoccupations esthétiques (mais n'est-ce pas très souvent le cas ?) la plupart, sinon la totalité d'entre eux, avaient une tout autre fonction principale (faute de compétences, je n'entrerai pas ici dans la question de savoir quand est né l'art au sens moderne, c'est-à-dire non utilitaire, du terme).
Toujours est-il que si ce musée ne comporte pas un nombre d'objets extravagant, ceux qui sont placés sous les yeux du public sont souvent très spectaculaires. Personnellement, j'ai reconnu quelques sujets de photographies dont je n'avais jamais vu les originaux.
Quant à l'organisation de l'exposition, elle obéit à une stricte logique géographique. Les peuples (ou les cultures) sont regroupées par continents. Dans chaque salle, une zone regroupe de brefs textes qui caractérisent en quelques lignes les sociétés dont sont issus les objets présentés. Et pour chaque objet, la description, minimale, se limite à une fiche signalétique.
Un doux rêve...
Alors, en parcourant les vitrines richement garnies, on s'abandonne à la pensée un peu folle qu'un jour, en France, existera un musée qui traitera des données ethnologiques en étant animé par un souci pédagogique à la mesure de celui que peuvent susciter les volcans ou les productions matérielles de la Préhistoire ; où la diversité des sociétés humaines (dont la nôtre !) cessera d'être envisagée sous l'unique angle de productions artistiques peuplant des cabinets de curiosité pour devenir, aux yeux de tous, un objet d'étude scientifique, susceptible d'être classé et organisé ; bref, où l'on ne se contentera pas de montrer, mais où l'on aura à cœur d'expliquer.
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