Dans les minières de Spiennes
C'est une visite spectaculaire que j'ai eu l'occasion de faire il y a quelques semaines, sur le site archéologique de Spiennes, près de Mons en Belgique : celle des mines que les paysans du Néolithique, il y a 5000 à 6000 ans, ont creusé sur ce terrain pour se procurer les silex dont ils tiraient une partie de leur outillage.
Sur la centaine (si ma mémoire est bonne) de puits ainsi creusé, seuls quelques-uns ont été fouillés. Mais, grâce au système de la visite dite « VIP » (qu'on se rassure, elle est accessible à tous !), on peut voir à la fois celui qui est en cours de fouille et, dans le musée proprement dit, un puits « historique » autour duquel le bâtiment a été édifié. Harnaché et sécurisé, on descend donc dans ces trous profonds d'une douzaine de mètres, sur les pas de ceux qui, il y a plusieurs millénaires, ont déblayé ces boyaux, et au voyage cérébral s'ajoute une étrange et unique expérience sensorielle.
La visite tourne tout entière autour de ces puits : on y aborde à la fois l'aspect géologique (à ma grande honte, j'ai découvert que le silex provenait de cadavres animaux, et que les galeries creusées par les crustacés jouaient un rôle essentiel dans sa formation) et la dimension plus technique : comment creusaient-ils ? A quelle rapidité ? Quels étaient les outils employés ? Par la force des choses – les fouilles ont livré peu d'éléments en-dehors des puits de mine – les dimensions sociales sont peu abordées.
On évoque cependant une énigme : celle d'une assez vaste enceinte, dont on pourrait penser qu'elle entourait le village ; or, si j'ai bien retenu les informations, on y a certes trouvé des indices de vie quotidienne, mais aucune trace de construction habitable proprement dite. Peut-être cette lacune est-elle due aux fouilles trop grossières (une seule coupe en diagonale), mais peut-être y a-t-il là un défi posé à l'interprétation. Un élément troublant supplémentaire : l'entrée était semble-t-il en forme de "C" imbriqués. S'agissait-il d'un dispositif défensif, une chicane un peu dans l'esprit de ce que montrent les dessins des villages iroquois ? Ou peut-on imaginer que le seul but était de dissimuler l'intérieur de la palissade à la vue, orientant ainsi la lecture vers un lieu sacré (à priori, peu compatible avec les restes de vie quotidienne, mais faut-il en pareil cas écouter ses a priori ?).
Bref, Spiennes et ses mines, tout comme l'ensemble du passé de l'humanité, n'ont pas fini de stimuler nos réflexions. Et à moins de trois heures de Paris, c'est un lieu sur lequel tout esprit curieux peut se rendre en étant certain de passer une matinée qui sort de l'ordinaire.
Au fond de la minière en fouilles... |
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