Quelques réflexions sur le « mode de production domestique »
Avertissement : ce billet s'inscrit dans une recherche menée sous l'impulsion d'une collègue économiste, à propos des théories défendues par le courant du « féminisme matérialiste », en particulier de Christine Delphy. Il s'agit de remarques préliminaires, que je rends publiques au cas où quelques lecteurs soient intéressés, voire souhaitent compléter ou critiquer. J'insiste sur la nécessité de prendre les lignes qui suivent avec toute la distance nécessaire – je suis conscient de l'insuffisance de certaines formulations – d'autant qu'à l'heure où je les écris, je n'ai pas accès aux textes de C. Delphy elle-même, mais seulement à des sources secondaires.
Au début des années 1970, une manifestation du MLF
dont Christine Delphy était une des principales animatrices
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Le « mode de production domestique »
Dans les années 1970, constatant que le marxisme traditionnel était aveugle – ou borgne – à la situation spécifique des femmes dans la société capitaliste, C. Delphy avait développé un argumentaire plaçant cette question au centre de son analyse. Selon elle, les femmes n'étaient pas seulement dominées, mais également exploitées dans le cadre du travail domestique ; en cela, le marxisme fournissait un outil d'analyse irremplaçable à un féminisme qui se voulait matérialiste. Mais ce même marxisme avait échoué à reconnaître que cette exploitation ne pouvait être réduite, ou subordonnée, à celle de l'ensemble des salariés par les capitalistes. Les femmes étaient donc victimes d'une exploitation spécifique ; à l'antagonisme de classe entre capitalistes et prolétaires, se superposait un autre antagonisme de classes entre hommes et femmes ; au mode de production capitaliste s'articulait un mode de production dit « domestique », l'un n'étant ni subordonné, ni réductible à l'autre. Ces innovations théoriques allaient évidemment de pair avec des choix politiques revendiqués : si les femmes formaient une classe exploitée par celle des hommes, alors elles devaient s'organiser de manière spécifique – ce que mit en pratique le MLF, dont C. Delphy était une des fondatrices. Sur le plan théorique comme sur le plan pratique, le féminisme matérialiste se tenait donc à égale distance du féminisme bourgeois (indifférent à la question de l'exploitation, celle des femmes comme celle des prolétaires en général) et du mouvement ouvrier (qui dissolvait l'opposition entre hommes et femmes dans celle des capitalistes et des prolétaires).
Je le répète, les lignes qui suivent ne prétendent pas être une évaluation générale de cette thèse, mais simplement apporter quelques éléments, en particulier sur le plan théorique, concernant l'existence de ce « mode de production domestique ».
Marx et Engels, s'ils ont utilisé la démarche du matérialisme historique tout au long de leur oeuvre et de leur action politique, ont finalement écrit assez peu de choses sur la théorie de l'Histoire proprement dite. L'exposé de référence reste celui contenu dans un passage de l'Introduction à la critique de l'économie politique de 1859, où Marx évoquait les célèbres « infrastructures » et « superstructures », une métaphore succincte qui a donné lieu à d'innombrables commentaires. S'y ajoutent de nombreuses remarques éparses dans divers textes ou lettres. Mais même l'Anti-Dühring, cette somme du marxisme, ne consacre que très peu de lignes à définir les modes de production et à exposer les mécanismes généraux de leur articulation et de leur succession. Il y a donc là un camp de recherche ouvert, qui représente sans doute, sur le plan de la théorie, le moins abouti de l'ensemble théorique marxiste (et qui contraste, par exemple, avec la minutieuse analyse de l'économie capitaliste à laquelle Marx lui-même avait consacré d'immenses efforts). On ne saurait donc reprocher à C. Delphy, à la suite de nombreux autres, de vouloir compléter les analyses de Marx, quitte au besoin à identifier de nouveaux modes de production ou à approfondir la question de leur articulation (Marx lui-même, comme il se doit pour un chercheur faisant oeuvre scientifique avait plusieurs fois évolué sur ces questions à mesure des découvertes ou de l'avancée de ses propres connaissances). On ne peut pas davantage considérer comme absurde l'idée qu'une société combine plusieurs modes de production : une telle idée a été plusieurs fois émise (par exemple, dans les années 1970, par Samir Amin), et quiconque a étudié les sociétés sait que les formes chimiquement pures y sont aussi rares que les formes composées, ou intermédiaires, sont nombreuses.
En revanche, il me semble que la théorie du « mode de production domestique » prête le flanc à plusieurs critiques importantes.
Quelques éléments critiques
Pour commencer, lorsqu'elle définit le mode de production, C. Delphy écrit qu'il s'agit : « [d'] un modèle abstrait que je définirai comme un ensemble de rapports de production, plus précisément comme deux rapports de productions complémentaires et antagoniques. » (L'ennemi principal I : 256). On remarque immédiatement que par rapport à la définition de Marx, un élément essentiel est absent : celui des forces productives. Il y a dans le concept originel de mode de production l'idée que les rapports économiques sont liés au développement de celle-ci : c'est pourquoi l'histoire des sociétés humaines n'est pas un chaos illisible, mais une évolution (certes complexe) de formes sociales qui correspondent à la croissance de la puissance économique humaine. Or, pour introduire son « mode de production domestique », C. Delphy est obligée de rompre ce lien. La domination masculine, dans sa dimension exploiteuse vis-à-vis des femmes, est en effet loin de se borner à la seule époque contemporaine, et elle remonte manifestement au moins à la naissance de la richesse elle-même, avec la sédentarité. Le mode de production domestique s'étendrait donc sur plusieurs millénaires, et serait compatible avec des formes économiques allant de la chasse-cueillette sédentaire à la société industrielle, en passant par toutes les économies agricoles intermédiaires. Alors, que la domination masculine, y compris dans sa dimension exploiteuse, soit un phénomène social qui, sous différentes modalités, ait traversé les époques, c'est un fait incontestable. Mais il est beaucoup plus douteux que le concept de mode de production soit l'outil le plus adapté pour l'appréhender.
Lorsqu'on rentre dans les détails, on peut également s'interroger sur les ressorts du mode de production domestique. L'exploitation du salarié (tout comme celle de toutes les exploités dans les sociétés de classes) est en effet déterminée par le monopole de la classe capitaliste sur les moyens de production. C'est ce monopole qui contraint le salarié à se vendre pour une valeur inférieure à celle qu'il produit – la double originalité remarquable de l'économie capitaliste étant à la fois de dissimuler la réalité de l'exploitation, le salarié ayant l'illusion d'être payé pour son travail, et d'abolir la nécessité de la contrainte extra-économique pour rendre celle-ci effective, le salarié se vendant « librement » sur le marché. Qu'en est-il du mode de production domestique ? Par quel ressort la « classe des hommes » exploite-elle la « classe des femmes » ? (précisons que je ne mets pas en doute la réalité de cette exploitation). Je crois que la réponse de C. Delphy est qu'elle réside dans l'institution du mariage, par laquelle les femmes abandonnent leurs droits sur leur propre produit au profit du « ménage », c'est-à-dire du mari. Mais dans les pays occidentaux (et, me semble-t-il, sur une large partie de la planète), l'institution du mariage a vu son contenu évoluer considérablement en deux siècles. Il me semble qu'aujourd'hui, la règle générale est, à l'inverse, que femmes et hommes sont en situation d'égalité juridique vis-à-vis des revenus et du patrimoine. Cela n'empêche pas des situations asymétriques de perdurer, en particulier via l'inégale répartition du travail domestique. Mais cette évolution suscite deux séries de questions. D'une part, on peut se demander, dès lors, quel est le ressort du maintien de l'exploitation du travail domestique, une fois que celle-ci ne s'effectue plus via un cadre juridique qui place les femmes en situation de dépendance de droit. Inversement, comment expliquer cette dilution relative, au sein même du système capitaliste, de l'exploitation spécifique des femmes depuis deux siècles ? Autrement dit, pourquoi ce qui dans le mariage, consacrait juridiquement l'infériorité et l'exploitation économique des femmes, a-t-il peut à peu reculé au point de disparaître ? Ce sont des questions essentielles auxquelles C. Delphy, me semble-t-il, n'a pas cherché à répondre.
En fait, en mettant en regard, sur un même plan, l'exploitation économique des femmes dans le cadre du ménage et celle des salariés dans la société capitaliste, on ne se met pas particulièrement en situation de mieux comprendre leurs interactions mutuelles. J'ai tenté de souligner, dans mon Communisme primitif, à quel point le mode de production capitaliste avait bouleversé les termes de l'ancestrale domination masculine : en faisant de tous les biens, et de la force de travail elle-même, des produits marchands, il a jeté les ferments d'une authentique (et mal nommée) égalité des sexes, c'est-à-dire de la disparition de la division sexuelle du travail. Au demeurant, les rapports du capitalisme lui-même avec la domination masculine sont, me semble-t-il, complexes et contradictoires, car en même temps qu'il en sape les bases, il entretient sa perpétuation de mille manières. Mais le point important, me semble-t-il, est que la dynamique du mode de production capitaliste influence les modalités de la domination masculine, bien davantage que l'inverse. Même si c'est de manière lente et incomplète, les rapports d'égalité (bourgeois) ont pénétré la famille et l'ont profondément modifiée, alors qu'on chercherait en vain une telle influence en sens inverse. Ainsi, des deux rapports de domination et d'exploitation, le rapport salarial s'est bel et bien avéré plus fondamental et plus déterminant que le rapport de genre, ce que Marx avait tenu pour acquis, sans le discuter explicitement.
Alexandra Kollontaï (1872-1952), la première femme au monde à avoir été ministre à l'époque contemporaine |
Quelques liens en complément
- dans un récent exposé du Cercle Léon Trotsky (dont on ne peut que regretter qu'il répète l'idée erronée selon laquelle l'oppression des femmes serait un phénomène tardif remontant à la « propriété privée »), le passage intitulé « Le pouvoir bolchevique réalise ce pour quoi se battent les féministes en Europe et aux États-Unis » donne un bon résumé des premières mesures et de la politique du pouvoir soviétique dans le domaine de l'émancipation des femmes.
- sur la manière dont les dirigeants bolcheviks se posaient ces problèmes au début des années 1920 : Léon Trotsky, Les questions du mode de vie (1923), chapitre « De l'ancienne famille à la nouvelle » (lire aussi cette annexe très précieuse, qui rapporte une discussion entre militants)
- sur l'analyse, par le même Trotsky, de la réaction stalinienne en ce qui concerne la famille, dans La révolution trahie (1936), le chapitre « La famille, la jeunesse, la culture », tout particulièrement la première partie, « Thermidor au foyer ».
Cher Christophe,
RépondreSupprimerune question me tracasse depuis longtemps: qu'il ait ou non jamais existé un "mode de production domestique", serais-tu d'accord pour dire que, dans une perspective évolutionniste comme celle d'Alain Testart, c'est bien la domination masculine qui a historiquement rendu possible l'inégalité économique, la division de la société en classes et la formation de l’État? Je serais reconnaissant d'avoir ton avis.
Bien amicalement,
Claudio Veloso
En voilà une question intéressante, que j'avais tenté d'aborder (mais sans doute pas assez frontalement) dans mon Communisme primitif... C'est vrai qu'on serait tenté de répondre par l'affirmative : après tout, l'oppression, sinon l'exploitation, des femmes, paraît un des facteurs d'inégalité les plus anciens qui soient. On pourrait donc penser qu'il est le germe à partir duquel se sont développées toutes les autres formes. Pourtant, je ne crois pas qu'on puisse affirmer cela.
SupprimerSi l'on suit A. Testart – et, sur ce point, je trouve ses raisonnements très convaincants – le facteur déterminant pour l'apparition des inégalités a été le basculement vers les paiements (de mariage, pour compenser un meurtre, etc.). Or, cette transition a peu à voir avec la domination masculine : Testart en situait la cause dans le stockage, j'ai proposé de modifier un peu l'idée, bref passons. Toujours est-il qu'il existe certains peuples où il y a une forte domination masculine sans que la richesse et les inégalités économiques soient apparues (Australie, Terre de Feu...) ; surtout, inversement, il existe des cas d'absence, ou de quasi-absence de domination masculine, avec présence de la richesse et des inégalités sociales. C'était le cas, dans une certaine mesure, des Iroquois, mais plus clairement des pseudo-matriarcats célèbres qu'étaient les Minangkabau de Sumatra ou les Na de Chine.
Pourtant, dira-t-on, il existe de (très) nombreuses sociétés inégalitaires dans lesquelles les femmes sont non seulement dominées, mais aussi exploitées (une bonne partie de l'Afrique subsaharienne, la péninsule arabique et ses alentours, et même une large partie de l'Amérique du Nord). Je crois que cela montre seulement que la domination masculine constitue un canal fréquent des inégalités économiques : là où elles apparaissent et là où la dominatuion masculine préexiste, les conditions sont réunies pour que le mari devienne aussi un exploiteur, et que sa richesse dépende plus ou moins largement du travail de ses femmes. Encore une fois, cela ne veut pas dire que c'est la domination masculine qui fait naître la richesse, et la meilleure raison de le croire, c'est que là où la domination masculine est faible, la richesse se développe néanmoins sur d'autres bases que l'exploitation des femmes.
Amitiés
Merci de ta réponse, Christophe.
SupprimerVoici ma réplique.
Si je l'ai bien compris, tu as trois arguments contre une réponse affirmative à ma question :
1) le basculement vers les paiements (prix de la fiancée et prix du sang) aurait peu à voir avec la domination ;
2) l'existence de domination masculine n'implique pas l'existence de la richesse et des inégalités économiques (Australie, Terre de Feu) ;
3) la richesse et les inégalités économiques sont compatibles avec l'absence ou la quasi-absence de domination masculine (ex. Iroquois, Minangkabau, Na).
Je me concentrer sur ton premier argument, mais mes remarques auront une retombée sur les deux autres.
D'abord, ce premier argument est quelque peu vague : y a-t-il ou non finalement un rapport entre cette transition et la domination masculine ?
Quoi qu'il en soit, la domination masculine semble être antérieure au basculement vers les paiements. Le passage vers le prix de la fiancée s'effectue en effet à partir du service pour la fiancée (A. Testart, Avant l'histoire, p. 216-218). Or l'existence d'un tel service implique que les femmes sont en quelque sorte des biens et les hommes, des propriétaires. (Alors que le prix du sang et « la loi du tallon » obéissent à une logique de justice corrective, le prix pour la fiancée et « la loi du tallon » pour la réparation des dommages corporels obéissent, me semble-t-il, à une logique de justice distributive.) Par conséquent, il y a là une inégalité d'ordre économique qui n'est pourtant pas une inégalité économique entre riches et pauvres, comme celle qui caractérise le Monde II de Testart.
Bref, cela me pousse à répondre « oui » à la question posée.
Amitiés,
CV
Je renvoie ma réplique corrigée.
RépondreSupprimerSi je l'ai bien compris, tu as trois arguments contre une réponse affirmative à ma question :
1) le basculement vers les paiements (prix de la fiancée et prix du sang) aurait peu à voir avec la domination masculine ;
2) l'existence de domination masculine n'implique pas l'existence de la richesse et des inégalités économiques (Australie, Terre de Feu) ;
3) la richesse et les inégalités économiques sont compatibles avec l'absence ou la quasi-absence de domination masculine (ex. Iroquois, Minangkabau, Na).
Je me concentrer sur ton premier argument, mais mes remarques auront une retombée sur les deux autres.
D'abord, ce premier argument est quelque peu vague : y a-t-il ou non finalement un rapport entre cette transition et la domination masculine ?
Quoi qu'il en soit, la domination masculine semble être antérieure au basculement vers les paiements. Le passage vers le prix de la fiancée s'effectue en effet à partir du service pour la fiancée (A. Testart, Avant l'histoire, p. 216-218). Or l'existence d'un tel service implique que les femmes sont en quelque sorte des biens et les hommes, des propriétaires. (Alors que le prix du sang et « la loi du talion » obéissent à une logique de justice corrective, le prix pour la fiancée et le service pour la fiancée obéissent, me semble-t-il, à une logique de justice distributive.) Par conséquent, il y a là une inégalité d'ordre économique qui n'est pourtant pas une inégalité économique entre riches et pauvres, comme celle qui caractérise le Monde II de Testart.
Bref, cela me pousse à répondre « oui » à la question posée.
CV
Mes excuses les plus plates sur ce (beaucoup trop) long délai de réponse. Une chose en a entraîné une autre, j'ai eu d'autres trucs en tête, plus les vacances... Pour essayer de répondre au mieux :
Supprimer- que la domination masculine ait précédé les paiements, c'est absolument certain. Cela se voit dans la pratique du service pour la fiancée, mais aussi, et surtout, dans d'innombrables témoignages ethnographiques qui montrent que dans la plupart des sociétés sans richesse, les hommes avaient sur les femmes des droits non réciproques.
- que le contenu de la domination masculine ait eu, dans ces sociétés, un aspect économique, c'est une idée très problématique. Si l'on veut dire par là que les femmes avaient des obligations économiques vis-à-vis des hommes, c'est évident (il y a la division sexuelle du travail !). Mais cela ne prouve pas, en soi, un déséquilibre dans ces obligations qui permettrait de conclure que les hommes exploitaient les femmes. J'ai essayé d'en avoir le coeur net pour écrire mon double article pour Actuel Marx. Ma conclusion, fondée avant tout sur les cas australiens, est... qu'il est très difficile de conclure. Je ne reprends pas ici les éléments du débat (j'ai fait un billet précisément sur ce point : http://cdarmangeat.blogspot.fr/2014/10/les-femmes-etaient-elles-exploitees-par.html). En deux mots, j'aurais tendance à penser qu'il existait une certaine dimension économique à la domination masculine (i.e., que les hommes pouvaient, dans une certaine mesure, exploiter les femmes), mais que cette dimension restait assez marginale par rapport à d'autres aspects de leur domination. Mais j'insiste, c'est bien davantage une impression, sans doute sujette à caution, qu'une démonstration établie.
- il est certain que les mécanismes préexistants de domination masculine ont fourni un canal, une voie, une trajectoire (rayez les mentions inutiles) à la constitution de la richesse (le service pour la fiancée est devenu le prix de la fiancée). Mais mon idée est qu'ils n'en étaient ni une condition suffisante, ni une condition nécessaire. Pas suffisante, parce que comme je viens de le dire, la domination masculine existait avant la richesse. Mais sans doute pas non plus nécessaire, parce que la mise en place de la richesse a été le fruit d'une série d'innovations techniques (disons, pour aller très vite, le stockage) qui ont établi l'équivalence entre des biens matériels et du travail humain. J'ai tendance à croire – certes, sans pouvoir le prouver – que les paiements se seraient instaurés en-dehors même des compensations matrimoniales, via le prix du sang ou les amendes diverses et variées que bien des sociétés pratiquent pour des raisons rituelles ou profanes. À y repenser, je me dis que la meilleure métaphore pour les compensations matrimoniales est qu'elles ont servi de catalyseur à l'apparition de la richesse; dans le sens où, sauf erreur, un catalyseur facilite et précipite une réaction chimique qui se serait de toutes façons produite sans lui.
Amitiés
Je crois que c'est le bon endroit pour indiquer à Christophe qu'il y a sans doute matière à enrichir ou au moins illustrer son propos en (re?)lisant Rosa Luxembourg dans https://www.marxists.org/francais/luxembur/works/1912/05/suffrage.htm où on trouve ce passage : "Economiquement et socialement, les femmes des classes exploiteuses ne sont pas un segment indépendant de la population. Leur unique fonction sociale, c’est d’être les instruments de la reproduction naturelle des classes dominantes. A l’opposé, les femmes du prolétariat sont économiquement indépendantes. Elles sont productives pour la société, comme les hommes.
RépondreSupprimerPar cela, je n’ai pas en vue leur investissement dans l’éducation des enfants ou leur travail domestique, par lesquels elles aident les hommes à subvenir aux besoins de leur famille avec des salaires insuffisants. Ce type de travail n’est pas productif, au sens de l’économie capitaliste actuelle, quelle que soit l’ampleur des sacrifices et de l’énergie consentis, de même que les milliers de petits efforts cumulés. Ce n’est que l’affaire privée du travailleur, son bonheur et sa bénédiction, qui pour cela n’existe pas aux yeux de la société actuelle. Aussi longtemps que le capitalisme et le salariat dominent, le seul type de travail considéré comme productif est celui qui génère de la plus- value, du profit capitaliste. De ce point de vue, la danseuse de music-hall, dont les jambes suintent le profit dans les poches de son employeur est une travailleuse productive, tandis que toutes les peines des femmes et des mères prolétariennes entre les quatre murs de leurs foyers sont considérées comme improductives.
Cela paraît brutal et absurde, mais reflète exactement la brutalité et l’absurdité de notre économie capitaliste actuelle. Le fait de voir cette cruelle réalité clairement et distinctement voilà la première tâche des femmes du prolétariat."
Merci de cette belle citation !
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