Un webdoc sur les Na (Moso)
Les Na (ou Mosuo, Moso) sont un peuple de l'ouest de la Chine, sur les contreforts de l'Himalaya, qui attire régulièrement l'intérêt des medias par sa structure familiale exceptionnelle. C'est en effet la seule société au monde qui ignore le lien du mariage et, par conséquent, celui de la paternité. Il n'en fallait pas davantage (mais c'était, il est vrai, déjà pas mal) pour que les Na soient propulsés comme l'archétype du « matriarcat ».
Le webdoc réalisé par Aurélien Bertini et Aurélie Jeanningros, et auquel l'anthropologue Cai Hua a prêté son concours, n'échappe pas à la règle (cliquer sur l'image pour le lancer) :
On apprendra ainsi que les femmes Moso, comme il est de règle dans la plupart des pseudo-matriarcats, détiennent d'importants pouvoirs économiques, qui sont au fondement de leur puissance sociale (tout à fait réelle). « Elles seules ont droit à l'héritage » — je ne sais pas s'il n'y a pas là un peu d'exagération ; mais en tout cas, elles sont les détentrices des principales richesses. Comme je le disais, mariage et paternité sont socialement inconnus : si la France de 2014 est récemment passée, non sans quelques difficultés, au mariage pour tous, les Moso, eux, vivent depuis fort longtemps selon le principe du « mariage pour personne » et ils ne semblent pas s'en porter plus mal. La partie du webdoc consacrée au « libertinage pudique » démontre ainsi que les conceptions concernant la sexualité et la jalousie n'ont rien à voir avec celle qu'on attribue souvent bien hâtivement à une prétendue nature humaine ; on trouvera ainsi chez ce petit peuple quelques bonnes raisons d'espérer que l'humanité sorte un jour prochain de rapports sociaux où la domination et l'intérêt impriment leur marque sur les relations amoureuses.
Néanmoins, le texte du webdoc est parfois déconcertant. D'un côté, il emprunte son vocabulaire aux clichés les plus désastreux sur les « matriarcats » des sociétés primitives (dont une référence au site www.matricien.org, qui représente une caricature concentrée de ces clichés) ; de l'autre, il apporte un très sérieux correctifs à ces fantasmes. Le tout donne des phrases en forme d'oxymore, où on a parfois du mal à retrouver ses petits.
On lit ainsi que le terme de matriarcat « désignerait un système social dominé exclusivement par les femmes, dans lequel elles occuperaient les mêmes positions institutionnelles que les hommes. Il s'opposerait au patriarcat. » Mais comment un système où les femmes occuperaient les mêmes positions institutionnelles que les hommes pourrait être dominé exclusivement — pourquoi exclusivement, d'ailleurs ? — par elles ? Cela n'a aucun sens. Et si le matriarcat (quelle que soit sa réalité) s'oppose au patriarcat, il n'est pas le seul ; l'idéal moderne de l'égalité des sexes aussi.
De même, on découvre que « le matriarcat moso n'a rien à voir avec la gynarchie féministe ». Or, d'une part, j'ignorais que le féminisme consistait à prôner la gynarchie ; d'autre part, si le matriarcat n'est pas la gynarchie, il est bien dommage en ce cas d'utiliser deux mots construits sur la même étymologie (« pouvoir » en Grec). Il eut été plus simple, et plus clair, de ne pas parler de matriarcat. Au demeurant, le documentaire caractérise parfaitement les rapports entre genres qui règne chez les Moso, en parlant de « société sexiste, où hommes et femmes ont chacun des fonctions et des droits différents » ; les hommes, selon un schéma universel dans les sociétés primitives, « gardent le pouvoir politique et gèrent les affaires extérieures au clan ».
Nonobstant ces quelques réserves, ce documentaire permet de découvrir, sans l'idéaliser, la vie de ce peuple, et mérite le détour.
PS : merci à Yann de m'avoir indiqué le site !
Le webdoc réalisé par Aurélien Bertini et Aurélie Jeanningros, et auquel l'anthropologue Cai Hua a prêté son concours, n'échappe pas à la règle (cliquer sur l'image pour le lancer) :
On apprendra ainsi que les femmes Moso, comme il est de règle dans la plupart des pseudo-matriarcats, détiennent d'importants pouvoirs économiques, qui sont au fondement de leur puissance sociale (tout à fait réelle). « Elles seules ont droit à l'héritage » — je ne sais pas s'il n'y a pas là un peu d'exagération ; mais en tout cas, elles sont les détentrices des principales richesses. Comme je le disais, mariage et paternité sont socialement inconnus : si la France de 2014 est récemment passée, non sans quelques difficultés, au mariage pour tous, les Moso, eux, vivent depuis fort longtemps selon le principe du « mariage pour personne » et ils ne semblent pas s'en porter plus mal. La partie du webdoc consacrée au « libertinage pudique » démontre ainsi que les conceptions concernant la sexualité et la jalousie n'ont rien à voir avec celle qu'on attribue souvent bien hâtivement à une prétendue nature humaine ; on trouvera ainsi chez ce petit peuple quelques bonnes raisons d'espérer que l'humanité sorte un jour prochain de rapports sociaux où la domination et l'intérêt impriment leur marque sur les relations amoureuses.
Néanmoins, le texte du webdoc est parfois déconcertant. D'un côté, il emprunte son vocabulaire aux clichés les plus désastreux sur les « matriarcats » des sociétés primitives (dont une référence au site www.matricien.org, qui représente une caricature concentrée de ces clichés) ; de l'autre, il apporte un très sérieux correctifs à ces fantasmes. Le tout donne des phrases en forme d'oxymore, où on a parfois du mal à retrouver ses petits.
On lit ainsi que le terme de matriarcat « désignerait un système social dominé exclusivement par les femmes, dans lequel elles occuperaient les mêmes positions institutionnelles que les hommes. Il s'opposerait au patriarcat. » Mais comment un système où les femmes occuperaient les mêmes positions institutionnelles que les hommes pourrait être dominé exclusivement — pourquoi exclusivement, d'ailleurs ? — par elles ? Cela n'a aucun sens. Et si le matriarcat (quelle que soit sa réalité) s'oppose au patriarcat, il n'est pas le seul ; l'idéal moderne de l'égalité des sexes aussi.
De même, on découvre que « le matriarcat moso n'a rien à voir avec la gynarchie féministe ». Or, d'une part, j'ignorais que le féminisme consistait à prôner la gynarchie ; d'autre part, si le matriarcat n'est pas la gynarchie, il est bien dommage en ce cas d'utiliser deux mots construits sur la même étymologie (« pouvoir » en Grec). Il eut été plus simple, et plus clair, de ne pas parler de matriarcat. Au demeurant, le documentaire caractérise parfaitement les rapports entre genres qui règne chez les Moso, en parlant de « société sexiste, où hommes et femmes ont chacun des fonctions et des droits différents » ; les hommes, selon un schéma universel dans les sociétés primitives, « gardent le pouvoir politique et gèrent les affaires extérieures au clan ».
Nonobstant ces quelques réserves, ce documentaire permet de découvrir, sans l'idéaliser, la vie de ce peuple, et mérite le détour.
PS : merci à Yann de m'avoir indiqué le site !
les personnes derrière le site www.matricien.org sont en fait des soraliens...
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