Un effondrement de la population au Néolithique ?
Interpellé par un sympathique goliard (pléonasme ?), je suis allé jeter un œil curieux sur une toute récente publication, où il est question des fluctuations démographiques durant le Néolithique européen.
On sait que l'arrivée de l'agriculture s'est globalement accompagnée d'une très forte tendance à l'augmentation de la population ; en moyenne, les premiers systèmes agricoles, si frustes peuvent-ils paraître aujourd'hui, étaient capable de nourrir beaucoup plus de gens qu'une économie de chasse-cueillette. Mais cette étude, menée sur la base de nombreux cimetières dans différentes régions (voir la carte ci-contre), suggère que cette tendance globale à l'accroissement aurait, dans la plupart des endroits, été entrecoupée par une très forte régression.
Le scénario moyen pour la zone étudiée est le suivant : les pratiques agricoles arrivent vers - 4 500. Elles n'auraient pas eu d'effet perceptible sur la population durant plusieurs siècles — d'après les données présentées dans l'article, celle-ci croissait déjà assez régulièrement depuis un, voire deux millénaires.
Puis ensuite, entre -4 000 et -3 400, c'est le boom : la courbe de la population connaît une brusque ascension... avant de subir, pendant environ 200 ans, une chute de l'ordre d'un à deux tiers — un ordre de grandeur au moins comparable à celui de la Peste noire au XIVe siècle.
Les auteurs montrent enfin que cette fluctuation ne peut pas être rapportée à des événements climatiques (connus). Fort prudemment, ils ne s'aventurent pas sur ses causes.
Je n'ai aucune compétence pour savoir si l'énorme fluctuation dont parle l'article est une réalité, ou un biais statistique. J'imagine que des archéologues et des statisticiens examineront la question.
Quant à expliquer le phénomène, si celui-ci était avéré, on ne peut évidemment que formuler des hypothèses. La première qui me vient à l'esprit est celle d'épidémies qui auraient accompagné les premières formes d'élevage, en particulier bovin. On sait que la variole, notamment, qui a décimé les populations américaines et australiennes à l'arrivée des Blancs, est le produit de la concentration des troupeaux de bovins, et de leur proximité avec l'Homme. On peut ainsi imaginer qu'il est arrivé aux premiers paysans et éleveurs du Néolithique ce qui arriva quelques millénaires plus tard à d'autres populations non immunisées contre ce virus. A-t-on les moyens, en analysant les squelettes de cette période, d'en identifier les causes de décès et de valider ou d'infirmer cette hypothèse ? Certains travaux l'ont-il déjà fait ? J'avoue ma totale ignorance et espère qu'un internaute compétent (et charitable) saura m'éclairer.
On sait que l'arrivée de l'agriculture s'est globalement accompagnée d'une très forte tendance à l'augmentation de la population ; en moyenne, les premiers systèmes agricoles, si frustes peuvent-ils paraître aujourd'hui, étaient capable de nourrir beaucoup plus de gens qu'une économie de chasse-cueillette. Mais cette étude, menée sur la base de nombreux cimetières dans différentes régions (voir la carte ci-contre), suggère que cette tendance globale à l'accroissement aurait, dans la plupart des endroits, été entrecoupée par une très forte régression.
Le scénario moyen pour la zone étudiée est le suivant : les pratiques agricoles arrivent vers - 4 500. Elles n'auraient pas eu d'effet perceptible sur la population durant plusieurs siècles — d'après les données présentées dans l'article, celle-ci croissait déjà assez régulièrement depuis un, voire deux millénaires.
Puis ensuite, entre -4 000 et -3 400, c'est le boom : la courbe de la population connaît une brusque ascension... avant de subir, pendant environ 200 ans, une chute de l'ordre d'un à deux tiers — un ordre de grandeur au moins comparable à celui de la Peste noire au XIVe siècle.
Les auteurs montrent enfin que cette fluctuation ne peut pas être rapportée à des événements climatiques (connus). Fort prudemment, ils ne s'aventurent pas sur ses causes.
Je n'ai aucune compétence pour savoir si l'énorme fluctuation dont parle l'article est une réalité, ou un biais statistique. J'imagine que des archéologues et des statisticiens examineront la question.
Quant à expliquer le phénomène, si celui-ci était avéré, on ne peut évidemment que formuler des hypothèses. La première qui me vient à l'esprit est celle d'épidémies qui auraient accompagné les premières formes d'élevage, en particulier bovin. On sait que la variole, notamment, qui a décimé les populations américaines et australiennes à l'arrivée des Blancs, est le produit de la concentration des troupeaux de bovins, et de leur proximité avec l'Homme. On peut ainsi imaginer qu'il est arrivé aux premiers paysans et éleveurs du Néolithique ce qui arriva quelques millénaires plus tard à d'autres populations non immunisées contre ce virus. A-t-on les moyens, en analysant les squelettes de cette période, d'en identifier les causes de décès et de valider ou d'infirmer cette hypothèse ? Certains travaux l'ont-il déjà fait ? J'avoue ma totale ignorance et espère qu'un internaute compétent (et charitable) saura m'éclairer.
Mise à jour février 2014 : cet article, et ce type d'approche entièrement fondée sur le C14, viennent de faire l'objet d'une critique systématique dans le Journal of Archaeological Science (Crombé & Robinson, "14C Dates as demographic proxies in Neolithisation models of northwestern Europe: a critical assessment using Belgium and northeast France as a case-study" - http://dx.doi.org/10.1016/j.jas.2014.02.001).
RépondreSupprimerEn tout cas ce qui est extraordinaire c'est la fabuleuse différence avec aujourd'hui en terme de densité de population. Comment avons-nous pu multiplier par 1000 les effectifs de notre espèce en 10 000 ans et comment cela n'inquiète-t-il pas plus d'écologistes ?
RépondreSupprimerJe ne voudrais surtout pas répondre à la place des écologistes, si tant est que sur un tel sujet, ils parleraient d'une même voix. Je ne saurais dire si en elle-même, la multiplication des effectifs de notre espèce est un problème. Son impact désastreux sur son environnement, qui menace aujourd'hui sa survie même, est avant tout le résultat d'une organisation sociale démente qui empêche à l'humanité d'avoir la moindre maîtrise de son économie, même lorsque les problèmes sont identifiés. On envoie aujourd'hui des sondes sur Mars, mais un être humain sur trois n'a pas accès à des toilettes correctes. On a perçu tous les signaux d'un changement climatique majeur, mais les économies continuent leur course folle, guidées par la seule loi aveugle du profit — avec la crise, les « droits de polluer » instaurés par le protocole de Kyoto n'ont jamais été aussi bon marché !
SupprimerQu'on commence, avant toute autre chose, par arracher l'économie aux intérêts privés et par la mettre au service de la collectivité. Alors, et alors seulement, au lieu de chercher comment mettre au point de nouvelles armes ou de nouvelles crèmes antirides, les scientifiques pourront employer leurs neurones à trouver comment, à confort égal (et supérieur pour une immense partie de la population mondiale), réduire notre impact écologique. Après, les générations futures décideront s'il faut ou non, de manière collective et démocratique, de la population optimale sur notre planète et des moyens d'y parvenir.